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OCTAVE FEUILLET 39 I chrétienne, qu'il s'est endormi dans les aspirations de celle qui lui fermait les yeux. La seconde thèse, trop crûment formulée par M. Feuillet, et par conséquent la plus critiquée, c'est que l'éducation exclusivement positive, en sapant les bases de l'obligation morale, induit la conscience à la regarder comme une tyran- nie. L'auteur n'a pas insinué la connexité nécessaire d'une vie criminelle avec le principe de l'athéisme, ce qui serait une sorte de déterminisme religieux, mais seulement que, à certaines heures, selon la violence de l'entraînement et la faveur d'une occasion pour échappera la vindicte des lois ou de l'opinion, nul frein n'arrêtait plus l'accomplissement d'un crime. S'il eût voulu exprimer davantage, le romancier se fût contredit lui-même, puisqu'il fait du docteur Tallevant, cet initiateur de Sabine à la pratique de la vie, un type de droiture, un saint laïque. Mais il a écrit cette seconde histoire en nuances moins fines; il a mis dans la bouche de Sabine un exposé grossier de morale positiviste qui jure trop avec l'esprit de son hon- nête tuteur; il n'a pas assez analysé les ressorts qui déter- minent la conversion de Vaudricourt, car cette révélation terrifiante que reçoit celui qui fut le mari d'Aliette, ne suf- fit pas seule à expliquer une transformation si entière dans un homme totalement affranchi des vieux préjugés, comme il disait. Pour ces raisons, et aussi parce qu'il amène le dénouement d'une manière écourtée et presque brutale, M. Feuillet a fourni des armes contre lui-même. Non, l'éducation religieuse ne fait pas que des honnêtes gens, et l'éducation seulement scientifique, que des mons- tres. Mais, dans le christianisme, la première favorise puis- samment le développement des bons instincts et prête à la volonté, par les raisons éternelles sur lesquelles elle fonde