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39°                   OCTAVE FEUILLET

danger est à redouter pour les âmes vulgaires, mais plus
elles seront de race supérieure, moins elles auront de peine
à s'entendre quand même et à se pénétrer.
    Si sa frivolité de vie n'avait pas émoussé dans Vaudri-
court le sens religieux, il ne se fût jamais imaginé assagir
Aliette sous l'influence des relations mondaines ; si Aliette
eût été formée par une éducation plus libérale, au lieu de
se fixer, avec sa foi, dans un domaine étroit, aux bornes
immuables, elle y eût ménagé de larges entrées et de libres
espaces où Vaudricourt, respirant à l'aise, eût reconnu,
près de sa femme, le but divin de la vie.
   En ces situations, aujourd'hui si fréquentes, l'idéal serait
que, puisque dans le mariage, selon la profonde parole de
saint Paul, « l'homme est la tête de la femme », et la femme
le cœur de l'homme, cette tête et ce cœur arrivassent à se
comprendre pour se compléter; que la femme, en gardant
sa foi, eût « des clartés de tout », et que l'homme, restant
fidèle à sa raison, entretînt en lui-même le sens de ces réa-
lités invisibles « qui s'entendent avec le cœur ». Des véri-
tés, en apparence contradictoires à la science, sont plus
vraies que les vérités scientifiques mises en avant pour les
nier; elles sont plus vraies par leur beauté intime, par leur
sublimité morale, par leur vertu consolante et régénératrice,
qui aide à goûter le devoir et la vie. Il faudrait que l'union
s'accomplît sur ces sommets où les vérités perdent leurs an-
tinomies et d'où filtrent, à travers les phénomènes et les
symboles, quelques rayons de la lumière inaccessible.
  A ne le considérer, il est vrai, que de loin, on croirait
que le ménage Littré n'a pas touché de trop loin à cet idéal.
Après cinquante ans de concorde, le second fondateur du
positivisme s'est trouvé si rapproché de sa femme, la pieuse