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                        SOUVENIRS LYONNAIS                          361

fants auprès de leur mère; seuls ils pouvaient visiter la
pauvre folle.
   Des années passèrent ainsi sans amener aucun change-
ment notable. Charles, malgré son état, ne pouvait se faire
à l'oisiveté; il lui fallait du mouvement, une occupation
quelconque ; car, pour les soins que réclamait l'éducation
de ses deux enfants, comme pour l'administration de la for-
tune commune, il s'en rapportait complètement à sa belle-
mère. Il sollicita donc, et il obtint facilement, le modeste
poste de consul des États-Unis au Japon; là, il se fit remar-
quer comme partout ailleurs; sa correspondance attira l'at-
tention sur lui ; et, au bout de trois ans, il fut élevé au rang
d'ambassadeur et nommé à Pékin. Il fut assez habile et assez
heureux pour rendre service et à son gouvernement et à la
Chine lors de l'affaire de l'île Formose; à cette occasion,
l'empereur de Chine lui fit don d'un sabre d'honneur enri-
chi de brillants. Il eut aussi la bonne chance de trouver, en
Chine, des ouvriers assez habiles pour lui restituer un nez
a la place de celui qu'il avait perdu ; et ce travail fut exécuté
avec assez de soins et d'intelligence pour que M. Legendre
ne fût point trop défiguré ( t ) .
   A New-York, le temps avait aussi marché ; les deux en-
fants avaient grandi, sans avoir une seule fois revu leur
mère; la pauvre folle était toujours dans le même état:
aucune lueur d'espoir; rien ne pouvait faire présager un
changement favorable.

   (1) Diverses tentatives avaient été faites à New-York avec peu de
succès, nous écrit M. Bonnassieux. « Lors du dernier voyage à Paris
de M"-= Charles Legendre, ajoute-t-il, je lui demandai la photographie
de son mari, mais elle n'osa pas me la promettre, me disant qu'il
l'avait déjà refusée à sa mère pour ne pas lui faire de la peine, et que
ce même sentiment le retiendrait certainement. Je n'insistai pas. »