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362                 SOUVENIRS LYONNAIS

   Enfin, le moment psychologique attendu par les méde-
cins arriva. Les hommes de l'art firent conduire les enfants
dans l'établissement où se trouvait leur mère ; ils s'y ren-
dirent, de leur côté, à l'heure indiquée ; ils recomman-
dèrent à la grand'mère de ne pas se montrer, mais de
pousser devant elle les deux enfants dès qu'elle verrait
paraître sa fille.
   Au premier abord, la pauvre folle ne fit aucune attention
à ceux qui s'avançaient vers elle, hésitants, haletants; puis
elle les regarde fixement pendant un instant qui fut un
siècle      Enfin, la maternité triomphe de la folie; la mère
se précipite tout à coup à la rencontre de ses enfants et les
étreint frénétiquement dans ses bras             D'abondantes
larmes ruissellent sur ses joues; la raison était revenue, la
guérison était complète.
   Après un libre cours laissé à ces pleurs salutaires, la
grand'mère et les médecins se montrèrent; ils n'avaient
plus une folle devant eux, mais une mère enlaçant passion-
nément ses enfants et ne pouvant s'en détacher             Les
médecins déclarèrent qu'aucune rechute n'était à craindre.
   Informé immédiatement, à Pékin, de cet heureux résul-
tat, l'ambassadeur demanda un congé et accourut à New-
York embrasser sa chère femme qui, de son côté, était
ravie et flère de lui présenter ses deux beaux garçons. L'am-
bassadeur Legendre était trop heureux aussi de cette réu-
nion pour songer à un nouveau départ; sa santé, d'ailleurs,
réclamait des soins assidus ; il donna définitivement sa dé-
mission pour ne plus quitter les siens.
   Plusieurs années après ces événements, Mme Charles
Legendre vint à Paris pour voir une dernière fois sa
belle-mère, Mmc V e Legendre, alors gravement malade et
qui ne survécut que quelques mois à cette visite.