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352                  LE PREMIER AMOUR

   J'entendis une voix de matrone qui parlait ainsi :
   — Il n'est que trop vrai, Mme Durand, la danse est un
des chemins de l'enfer. Les jeunes filles y sont naturelle-
ment portées à cause de la facilité qu'elle donne de rece-
voir des compliments. C'est donc la plus dangereuse des
distractions et Ton ne saurait trop louer les prêtres de leurs
efforts pour la supprimer.
   — Hélas '. chère dame, répondit la mère, si ma fille a
commis un si gros péché, je suis aussi coupable qu'elle,
car j'étais là et je lui ai permis d'accepter l'invitation. Re-
marquez cependant que Jeanne a eu plus d'une crise du
même genre, bien qu'elle ait dansé dimanche pour la pre-
mière fois.
   Une troisième interlocutrice dont je reconnus tout de
suite la voix douce et musicale, se fit entendre.
   — Mère, demandez à Mrac Billon si elle n'a jamais dansé
dans sa jeunesse.
   — Oui, sans doute, se hâta de répondre cette dernière,
mais je m'en suis bien repentie depuis, et c'est pour cela
que le bon Dieu, je l'espère, m'aura pardonné.
   — Et qui vous dit, repartit Jeanne, que je ne vous imi-
terai pas jusqu'au bout ? Si toutes celles qui ont dansé per-
daient la vue, croyez-vous que les aveugles seraient si rares?
Quoi que vous en disiez, je ne crois pas avoir commis un
si grand crime, et je suis sûre que, pour vous le prouver,
le bon Dieu me rendra bientôt le plaisir de vous voir,
chère dame Billon. Ce n'est pas la première fois que j'aurai
perdu et retrouvé la lumière.
   — L'enfant parle bien, reprit une autre voix que je
n'avais pas encore entendue. Plaise à Dieu que sa prophétie
se réalise. Ce jour-là, Jeanne, je t'embrasserai de bon cœur.
Va, mon enfant, ce n'est pas pour une innocente comme