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D'UN VIEUX GROGNARD 353 toi que Dieu garde ses rigueurs. Il a assez à faire avec la foule de gens qui ne songent qu'à l'outrager et à nuire à leurs semblables. — N'importe, chère dame Durand, reprit la première matrone, ne laissez plus danser votre fille. Je sais par expé- rience les périls que le bal entraîne. — Mais, madame, répondit Jeanne, vous croyez donc que je suis folle de la danse. Détrompez-vous. J'ai dansé une fois par l'attrait de la nouveauté, peut-être aussi parce qu'il y a en nous, comme vous le dites, un penchant natu- rel à ce genre de divertissement, et enfin parce que j'ai été touchée de la première invitation qui m'était adressée. Mais vous pouvez croire que je ne brûle nullement du désir de recommencer, et le surnom dont de charitables âmes m'ont un peu cruellement qualifiée, suffirait, s'il en était besoin, à me rappeler aux réalités de ma situation — Tais-toi, ma fille, je t'en supplie! interrompit Mmc Du- rand. L'autre dame se leva, embrassa Jeanne de la façon la plus affectueuse et lui dit : — J'ignore, ma chère enfant, ce que le ciel te réserve, et tu l'ignores tout comme nous, mais je sais bien que si les plus belles âmes recevaient leur récompense en ce monde, tu serais certainement une des mieux partagées. Un instant après, les deux dames, redoutant l'imminence de l'orage, quittaient la maisonnette et rentraient à Vais. A. MAZON. (A suivre.) N» ;. — Mai 1886. 23