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D'UN VIEUX GROGNARD 351 ajouta-t-elle, pour tempérer la rigueur de cet arrêt, que vous viendrez nous voir au retour de votre excursion en montagne; alors sans doute Jeanne, complètement remise, pourra vous remercier de nouveau. » Je fis contre mauvaise fortune bon cœur et je dis à Mme Durand que mon intention était, en effet, de quitter Vais le lendemain pour y revenir dans quelques jours. En même temps, je pris congé d'elle, le cœur partagé entre mille sentiments divers, fort heureux du rapprochement que les circonstances venaient d'établir entre nous, mais assez inquiet de la santé de Jeanne et ne pouvant me défen- dre de tristes pressentiments. * * * Le soir, le ciel devint sombre et, dans les- dispositions d'esprit où j'étais, il me sembla qu'il ne pouvait en être autrement. Des nuages noirs, apparaissant au sud, présagè- rent un orage. Quand le tonnerre commença à gronder dans le lointain, je me dirigeai instinctivement vers la mai- sonnette des bords de la Volane. Derrière cette modeste habitation s'étendait un petit jardin entièrement planté de ces grandes fèves d'automne, qu'on fait grimper sur des échalas, et dont les fleurs exhalent une odeur d'une suavité capiteuse. En approchant, j'entendis, non sans étonnement, dans la maison, le bruit d'une conversation assez animée, mêlée de quelques gémissements. Poussé par la curiosité, je franchis la haie et me cachai dans les touffes de fèves, moins pour savoir ce qu'on disait, que pour avoir des nouvelles de l'état de ma bien-aimée.