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         LE PREMIER AMOUR n'UN VIEUX GROGNARD               34I

 de Craux et de la tour-clocher d'Antraigues qui jettent leur
note d'histoire féodale dans ce concert printanier, et tu
vois d'ici les baigneurs accourir en foule aux sources bien-
faisantes qui coulent de toutes les fissures des roches grani-
tiques. Comme la nature est belle dans ce coin du Vivarais !
Comme l'air y est pur et parfumé ! Comme les plantes des
montagnes y répandent de pénétrantes odeurs! Il semble
enfin que les idées elles-mêmes s'y ressentent de cette poé-
tique et sauvage majesté de la nature.
   Or, Vais, avant la Révolution, était loin d'être ce qu'il
est aujourd'hui. Il n'y avait qu'une auberge où l'on était
logé à la bonne franquette. Quelques rares habitants louaient
leurs maisons aux familles ou aux baigneurs de distinction
qui n'avaient pu trouver place à l'auberge. En l'absence d'un
établissement balnéaire, une dizaine de baignoires couraient
le village et l'on y charriait l'eau minérale, préalablement
chauffée dans des chaudrons, à l'usage des richards qui
pouvaient se permettre le luxe d'un bain. La plupart des
personnes venues à Vais se contentaient de boire l'eau des
trois ou quatre sources connues, et notamment celle de la
Marie, qui pétillait au bord de la Volane dans une fente de
rocher et qui avait dès lors la réputation de rendre les
femmes fécondes.
   La société était fort mélangée, mais l'élément dominant
était, comme aujourd'hui, la petite bourgeoisie des villes et
des bourgs environnants : beaucoup de gens de Privas, de
Viviers, de Largentière, quelques-uns de Nîmes, Avignon,
Valence et Lyon. Ceux qui venaient de plus loin étaient
considérés comme des phénomènes.
   Tout ce monde était fort liant. La mode était, d'ailleurs,
à l'égalité, à la fusion des classes. Les bergeries de Trianon,
les rêveries de Rousseau et la littérature à la Fiorian avaient