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V€RS D'UR ÃRCORRa ES quelques très beaux vers que nous donnons ici ont une origine mystérieuse. En compulsant les manuscrits laissés par notre frère Barthélémy, nous avons rencontré, parmi ses poésies, une pièce qu'au premier abord nous avons crue de sa facture et de sa main. En l'examinant d'un peu plus près, nous avons constaté que l'écriture n'appartenait pas à notre frère. De plus une date inscrite au bas, — novembre 46, — ne pouvait laisser aucun doute. Ces vers écrits quatre ans après la mort de Barthélémy, avaient été mêlés à ses manuscrits par une main étrangère, sans doute celle de Jean, déposi- taire des papiers de la famille. Mais l'écriture n'est pas celle de Jean, et il est facile de voir que ces vers n'ont aucune parenté avec les siens, ni par la pensée ni par la forme. De qui sont-ils donc ? — Jean, à ce moment de sa vie, était intime- ment lié avec deux poètes, Laprade et Charles Reynaud. Le manuscrit n'est de la main ni de l'un ni de l'autre. Parmi ses autres amis, un seul, à l'époque de la pièce, était dans un état d'âme analogue à celui qui l'a inspirée, mais l'écriture n'est pas non plus de sa main, et d'ailleurs les quelques vers que l'on a de cet ami sont trop inférieurs à ceux-ci pour permettre l'hypothèse. Ont-ils été copiés dans quelque livre? — Certainement non. Le poète si profondément ému qui les a tracés d'inspiration était peu expérimenté dans l'art de traiter les vers. Une faute de prosodie existait dans la troisième strophe, où l'auteur n'avait fait que d'un pied le mot lien. Il a suffi, pour la corriger, de supprimer le mot tous qui le précédait. Quel que soit l'inconnu qui a fait ces vers, c'était un poète d'instinct. Il est facile de voir que chez lui la pensée revêtait naturellement la forme du nombre : Omnia versus erant. Ils coulent sans effort. Mais, comme ceux de Barthélémy, dont ils sont quelque peu parents, ils valent surtout par l'émotion. Leur caractère d'amertume concentrée