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266                  LE PREMIER AMOUR

 du Mézenc, situé un peu plus loin au nord-ouest.
   Le Tanargue, du côté de Loubaresse, a la forme d'un
large plateau ; son revers occidental est couvert par la belle
forêt des Chambons dont les vieilles futaies abondent en
lichens ; on y trouve bon nombre de plantes alpines et il y
a peu de régions en France où les herboriseurs puissent se
promettre une aussi riche moisson.
   Que de fois nous sommes allés voir le Grand Pâtre sur
les cimes où il passait sa vie, bien qu'elles soient couvertes
de neige le quart ou la moitié de l'année 1 C'était un gigan-
tesque vieillard, vêtu d'un manteau de bure, coiffé d'un
large feutre et chaussé de sabots, avec une longue barbe
blanche, un bâton encore plus haut que lui et une énorme
gibecière toujours pleine d'herbes médicinales, sans comp-
ter les touffes de plantes ou les branches d'arbustes, rete-
nues autour de sa taille par une forte ceinture de cuir. Il
avait de petits yeux gris, mais perçants comme des vrilles
et profonds comme ceux des montagnards qui ont l'habi-
tude de regarder à de grandes distances. Avec cela, une
tête imposante, des manières graves et une façon de fixer
les gens qui produisait toujours une certaine impression.
On prétendait qu'il avait le don de fasciner tous les ani-
maux et il est certain qu'il avait parfaitement façonné- à
l'obéissance tous ceux qui formaient sa cour.
   Une autre singularité du Grand Pâtre, c'est qu'il ne par-
lait jamais, bien qu'il ne fût pas muet de naissance, au
moins d'après la tradition locale, car personne ne connais-
sait son âge ni son origine, et les plus vieux se rappelaient
l'avoir toujours vu dans le pays.
   L'abbé Velay croyait que c'était un ancien religieux de
cet ordre fameux des Antonins qui soignaient les malades
du feu sacré au Moyen-Age et dont la fusion avec les che-