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D'UN VIEUX GROGNARD 265 dont il observait les goûts instinctifs en maladie et en santé, et au moyen desquels il prétendait connaître des remèdes infaillibles pour toutes les maladies. C'est ainsi, disait l'abbé, que la médecine a commencé parmi les hommes : elle a dévié depuis de ces méthodes observatrices pour tomber dans des théories hasardées ; il faut revenir aux sources pour se retremper dans le vrai. Partant de cette idée, que tout a une raison d'être en ce monde, et constatant l'innombrable variété de plantes qui couvrent la terre et que pour la plupart nous connaissons à peine, l'abbé montrait que la médecine a infiniment plus à apprendre qu'elle n'a encore appris. Il lui reprochait d'avoir trop négligé la botanique, et surtout de ne l'avoir pas étu- diée d'une façon suivie. L'empirique de nos montagnes, qu'il donnait aux médecins pour modèle, était bien connu dans toute la contrée. Les uns l'appelaient le Grand Pâtre et les autres le Sorcier du Tanargue, parce qu'il avait fait de cette montagne sa résidence la plus habituelle. Il y passait ordinairement les mois de juillet et d'août, tandis qn'il consacrait le mois de juin à la région du Mézenc et qu'il réservait les mois de septembre et d'octobre au massif du mont Pilât. Il revenait ensuite passer l'hiver et le commen- cement du printemps au Tanargue où il avait deux refuges de fondation : l'un à la ferme de la Cocoluda, qui est située dans un ravin au-dessus de Valgorge, et l'autre au village de Loubaresse (pays des loups), où le curé, grand ama- teur desimpies, lui donnait volontiers l'hospitalité. Le Tanargue (mons Taranus, montagne du tonnerre), la grande chaîne du bas Vivarais, a une altitude qui varie de 12 à 1500 mètres; ses plus hauts sommets vers Loubaresse sont plus élevés que ceux du mont Pilât, mais ils sont dominés à leur tour par le dôme