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530 LES PATRONS DO SI1UUS.
ques flâneurs artistes, sans me rappeler tous les charmes de
ce genre de locomotion, A travers la vitre d'un vagoo, l'œil
ne saisit pas les détails lopographiques; a peine distingue-t-
il, dans leur fuite elliptique, les grandes lignes du paysage.
Le plus beau site défile entre deux coups de piston et ne
laisse qu'un vague souvenir, comme celui d'une campagne
inconnue entrevue la nuit à la lueur d'un éclair.
La rapidité du bateau à vapeur suffi? pour procurer cette
sensation de bien-être inhérente au mouvement lui-même,
et n'empêche jamais le tableau changeant des rives de se
dérouler nettement aux regards.
Si, par exemple, vous suivez la splendide vallée du Rhône
tout en fumant un cigare sur le tillac, Ã l'airfrais du fleuve,
vous pouvez saluer Vienne et sa gothique cathédrale, Tour-
non, Tain et les coteaux où mûrit le roi de nos vins, Valence
et les pentes abruptes de Crussol, les masses basaltiques de
Uochemaure*, Viviers, le Pont^Saint-Esprit, le château des
papes et l'arche ruinée d'Avignon, sur laquelle^ersonne ne
danse plus; Tarascon aux murailles dorées par le soleil de
Provence, et Beaucaire , où le commerce de tout l'ancien
monde se donne rendez-vous chaque année.
Les bateaux plats s'arrêtaient a Arles, près du pont de Trin-
que-traille, assemblage bizarre—et bien nommé—de pontons,
de madriers, de cordages, oscillant, criant, craquant au moin-
dre, choc. Des remorqueurs à quille conduisaient à Marseille
les marchandises chargées sur des chalands. Le voyageur avait
le temps d'admirer les richesses archéologiques de l'ancienne
métropole des Gaules. Il était ensuite libre de traverser, en
malle-poste, la Crau, île de galets au sein des terres", ou de
longer, en paquebot, la Camargue, île de sable au sein des
eaux.
Les mânes des Gallo-Komains s'éveillent maintenant, sous
leurs dalles de marbre , au hurlement de la locomotive, et