page suivante »
PROMENADE. 345 n'oserait dans un salon tutoyer sa chère Anaslasie. C'est même un spectacle très-comique que de voir les lapsus échap- pés aux époux encore peu rompus au nouveau mot d'ordre ; les tu et les vous se croisent dans leurs bouches avec un désordre pittoresque. Je n'ai rien à dire sur ce récent usage, sinon que je le trouve infiniment prétentieux. Je le tolère et le comprends encore dans la hautearistocratie, où les formules solennelles sont mieux admissibles. On pourrait filer cependant plusieurs souverains, et notamment le roi Louis-Philippe, qui tutoyaient leurs femmes, sinon précisément en public, du moins en petit comité. Il y a dans ce tutoiement matrimonial une bonho- mie et un abandon qui me charment beaucoup plus que celte raide el guindée manie du vous. Chez les bourgeois, je ne puis la supporter; il me semble toujours qu'ils montent sui- des échasses et qu'ils jouent la comédie. Dans la très-haute société, puisque le code du bon ton et de la distinction exige le bannissement du tutoiement entre épous, inclinons-nous; maison ne peut s'empêcher de signa- ler à cet égard une inconséquence frappante. Un homme ne tutoie pas sa femme, et tutoie sa mère, ,sa sœur, voire même sa cousine. Une femme dit vous à son mari, mais elle dit lu à son père, a son frère et à ses cousins. Pourquoi celte différence? Quelle est sa raison d'être ? Je signale ce problème aux moralistes et peintres de mœurs futurs. Us constateront qu'au dix-neuvième siècle il y avait moins d'intimité apparente entre un mari et sa femme qu'entre un cousin et sa cousine. Ces! étrange, mais c'est ainsi. « SU pro ratione volunlas. Je conçois mieux vraiment l'usage en vigueur ;ansvp!u-