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MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE EN ALLEMAGNE 203 est depuis longtemps passionnée pour l'histoire ; ses éru- dits sont de patients et infatigables investigateurs-, rien ne les rebute, ni l'obscurité des textes, ni la discordance des témoignages. On a pu médire quelquefois de la science allemande; mais où trouvera-t-on à un pareil degré ces deux, grandes conditions de toute recherche vraiment féconde : la puissance du travail et l'amour de la vérité ? Ajoutons-y encore le don de la finesse des conjectures. Qu'un mot inexpliqué, qu'un lambeau de texte douteux subsiste, et l'éruclit allemand s'élance avec l'ardeur du limier qui suit une trace difficile ; il veut savoir, et il saura. Ne sont-ce pas les Allemands dont les labeurs nous ont révélé les secrets des âges primitifs, la formation des cycles légendaires, et cette lente élabo- ration mythique qui précède la naissance des grandes épopées? Que ne doit-on pas à leurs savants travaux pour la correction des textes anciens, et pour la connaissance de ce moyen-âge encore si plein de mystères? Ce sont là d'immenses services que rien ne saurait faire oublier. Mais la critique allemande est à la fois difficile dans l'admission des preuves, et téméraire dans la reconstruc- tion des faits, Ce qui est universellement admis lui de- vient par là même suspect, et si elle rédigeait un code de la science, le droit de prescription en serait certainement écarté. Toute difficulté d'interprétation aboutit pour elle aune négation du sens le plus apparent du témoi- gnage, et à une hypothèse hardie pour l'expliquer. C'est ainsi que dans les dernières années du XVIIIe siècle les Prolegomena inHomerum de Wolf avaient donné l'exem- ple de celte audacieuse critique, qui supprimait sans hésiter l'existence du vieil Homère ; quelques années?