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178 EXPOSITION DE 1865. avec le détail minutieux de toutes ses aspérités de tons et de lignes, de ses rides et de sa décrépitude. Ce fut un coup de théâtre, un feu croisé d'exclamations; les uns se lamentaient, les autres se frottaient les mains el voyaient déjà Saint-Jean enrôlé dans le bataillon dont Courbet est le général. En résu- mé, ce tour réussit; on eut plus d'entrain el plus d'attraction que jamais pour les pêches veloutées et les transparents rai- sins. Saint-Jean avait fait un repoussoir. Choisissons en premier lieu un tableau qui domine l'expo- sition de 1865, et saisit bon gré mal gré le spectateur, les Hébreux conduits en captivité, de M. Bellel du Poizat; bon gré mal gré aussi, il faut avouer avant toute analyse que ce tableau, par sa composition et sa couleur, s'élève bien au- dessus de tant de scènes anodines, de tant de lieux communs auxquels une certaine habileté sert de garantie. Nous n'avons jamais conçu pourquoi on se donnait tant de peine, pourquoi on dépensait tant de science dans la reproduction d'un vul- gaire intérieur, d'un paquet de carottes dont à chaque instant nous pouvons contempler le modèle. Parlez-moi de cette toile éclatante, de cette foule bigarrée, pittoresque, qui vit, qui marche, qui se lord, de ces groupes que l'on ne rencontre pas dans un carrefour ni dans nos boutiques, mais qui sont éclos d'une puissante imagination. C'est l'ébauche d'un chef- d'œuvre de premier ordre Oui, mais ce n'est qu'une ébauche. Regardez plus attentivement : une foule de choses restent dans le vague et ne sont qu'indiquées; un anatomiste découvrirait à coup sûr certains bras et certaines jambes en hostilité avec les proportions du corps humain. Quant à la couleur, elle procède de la théorie des décors ; de près, on n'y comprend rien : ce sont des plaques juxtaposées, oui; mais éloignons-nous à la dislance voulue par les lois de l'optique. Quel changement! Comme tous les plans se déroulent avec art, comme malgré celte concentration déteintes en vue d'un