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472 LA CHASSE AUX LIONS. dans une effroyable symphonie appropriée à cette nature abrupte et sauvage. Puis le tumulte s'apaisa peu à peu. Chaque bête désalté- rée se mettait en quête de la proie ordinaire. La luneseleva, radieuse, entre les pics d'EI-K... Les arêtes, les plans saillants, tous les reliefs de la monta- gne s'illuminèrent de blanches lueurs, tandis que les creux des ravins et des gorges devenaient, par opposition, plus sombres encore. Sur ce fond splendide, le profil de la forêt se découpa vi- goureusement, comme les décors d'une scène immense sou- dainement éclairée, et des myriades de paillettes scintillantes firent rayonner le petit lac comme un éblouissant kaléidos- cope. Autour de nous, c'était un chaos d'ombres et de lumières heurtées, les hautes silhouettes des grands arbres, les dômes trapus des oliviers, les bizarres enroulements des lianes, les lignes tourmentées des branches mortes, masses confuses où l'œil découvrait les plus singulières combinaisons de formes, les plus capricieux effets: porches obscurs, longues avenues, spectres de nains ou de géants, animaux fabuleux, toute une création mystérieuse et fantastique. Mon imagination peupla la solitude. Je vis les sylphes et les péris danser joyeusement sous la feuillée, les lutins frôler de leurs ailes les rameaux argentés des trembles, et les djinns mener , parmi les hautes herbes, leur ronde éche- yelée. C'est vous avouer que je suis un pauvre chasseur à l'affût. Je m'abandonnais tout entier aux charmes de la rêverie quand une voix formidable passa dans l'air. Presque aussitôt, sortant de je ne sais où, sur la pente d'un mamelon, la bête monstrueuse apparut