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LA CHASSE AUX LIONS. 467
des conteurs et des cuisiniers tous les éléments d'une char-
mante nouvelle et d'un chef-d'œuvre gastronomique.
Mais il me manque la recette de ces précieux condiments
par lesquels le Briarée du feuilleton relève une sauce vul-
gaire et donne du piquant au plus simple récit.
On ne le verra que trop
Pour des motifs étrangers au sujet, je dus, il y a bien des
années, faire un séjour de 48 heures à El-A.... entre Philip-
peville et Constantine.
Il n'était bruit dans le pays que des ravages exercés par
un couple de lions qui avait élu domicile dans les gorges
d'El-K..., non loin de l'unique source coulant encore mal-
gré cinq mois de sécheresse.
La femelle abattue par un colon français, la semaine pré-
cédente, avait eu le temps d'ouvrir, d'un coup de griffe, la
poitrine au malheureux et de lui broyer le crâne d'un coup
de dent.
Le lion, à moitié enragé, immolait chaque nuit de nou-
velles victimes aux mânes de sa compagne.,... et à son
appétit.
Dans les débits, au marché, partout, c'était un concert
d'imprécations à l'adresse du terrible lion.
La mère Thomas, mon hôtesse, mercière, épicière, bou-
chère, aubergiste à l'enseigne du Sapeur sans peur, la mère
Thomas, ex-vivandière, égrenait, du matin au soir, un cha-
pelet d'invectives contre le voleur de moutons.
Pourtant aucun de ceux qui portaient sa marque ne man-
quait à l'appel.
Mais un veau, un veau modèle, venait de se perdre par la
faute du lion !
Un veau exceptionnel, un veau miraculeux, à robe dorée
avec l'encolure noire, un veau intelligent, connaissant ses
maîtres et destiné, non point au fricandeau traditionnel ni Ã