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120                   LITTÉRATURE.

autant que poète, et il appelle notre pensée sur les
plus hauts problèmes que puisse agiter l'esprit humain.
Ici je veux répondre d'avance à une inquiétude qui
pourrait se glisser dans l'esprit de quelques-uns
d'entre vous. La philosophie de Lucrèce, c'est un sys-
tème dont le nom, quoiqu'on fasse, est flétri dans la
langue française; c'est l'épicurisme. En vain Gassendi,
et après lui plusieurs historiens de la philosophie ont
voulu justifier Epicure de Sa morale désastreuse que sa
métaphysique entraine forcément après elle ; la langue
française a raison contre ces apologies. Si quelqu'un
d'entre vous, Messieurs, craint de me voir, je ne dis pas
 louer la doctrine que Lucrèce emprunte à Epicure, mais
 même y chercher des excuses, qu'il se rassure. Si je
 laissais tomber de cette chaire un seul mot qui pût pa- .
 raître un acquiescement à cette doctrine, je me croirais
 coupable non-seulement envers la vérité, mais envers la
 société humaine dont l'épicurisme est le plus redoutable
 dissolvant. Ce n'est point là une vue de mon esprit ;
 ouvrez Montesquieu dans ses Considérations; il vous
 dira que « la secte d'Epicure, qui s'introduisit à Rome
 sur la fin de la République, contribua beaucoup à gâter
  le cœur et l'esprit des Romains, et que les Grecs, qui
 en avaient été infatués avant eux, avaient aussi été plus
  tôt corrompus. » Il est visible que Montesquieu attribue
  en grande partie à ces funestes doctrines cette double et
  déplorable décadence. Sans doute rien de semblable n'est
  àcraindre aujourd'hui; toutefois, ne nousy trompons pas,
  l'épicurisme est moins mort qu'on ne veut bien le dire.
  Les erreurs philosophiques ne meurent jamais entière-
  ment, elles se modifient, elles se transforment, mais leur