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BIBLIOGRAPHIE. 93 du poison dans les demi-tasses, de grands seigneurs déguisés en domestiques, de v valetsqui trahissent, d'inconnus qui pénètrent avec de fausses clefs dans votre intérieur, de jeunes gens du meilleur monde qui sont assassins, roués, voleurs, dignes de la corde ainsi que leurs chastes compagnes. D'après les écrivains à la mode aujourd'hui, quelle société que celle qui habitait Paris en 1864 ! et penser que, naguère encore, nous étions, nous-même, dans ce pandémonium, que nous avons traversé les boulevards sans revolver et dîné au Palais-Royal avec des amis qui auraient pu nous étrangler, à l'aide d'une petite ficelle de soie, ou nous empoisonner avec le chaton de leur bague ! C'est à en trembler. A lire M. Constant Guéroult, on aimerait autant retourner au moyen-âge de la Chanson d'Ânlioche et au feuilleton en trois morceaux du sinistre érudit de Bourg. Heureusement que pour nous remettre de nos épouvantes et de nos terreurs nous avons rencontré les Chroniques et légendes de l'Ain, par un écrivain du Bugey, et, en parcourant ce joli vo- lume, notre âme s'est rassérénée comme lorsqu'on se réveille par un beau soleil après une nuit de sombre cauchemar. L'auteur qui ne parait pas pourtant avoir l'intention de rétablir des four- ches patibulaires devant la porte de son château, nous peint le moyen-âge avec des couleurs moins noires que le feuilletoniste bressan. Ses héros n'ont aucun goût pour la chair humaine, mais ils ont de la bonne foi, de la générosité, du dévouement, de la grandeur, lis pratiquent généralement la vertu, et trouvent dans une religion sincère un contrepoids aux mauvais penchants et aux passions -, en un mot, ce sont des hommes avec leurs fai- blesses, mais ce ne sont ni des pourceaux, ni des tigres. Nous remercions M. Amé de Gy de relever l'humanité en nous la montrant telle qu'elle a été peut-être, et surtout telle qu'elle devait être. Sa gracieuse imagination anime et poétise les belles vallées de l'Albarine et de l'Ain. A sa voix reviennent nos pieux solitaires, nos agriculteurs bourguignons et gaulois, nos colonies grecques, romaines et sârrasines, nos guerriers loyaux et fidèles, nos châtelaines qui pour être nobles n'en étaient pas moins aimables et vertueuses, et quoique portant les plus anciens noms de nos contrées n'en étaient pas moins chéries des Grolée, des Labaume, des Bagé et des Villars. La maison de Savoie n'a pas détruit ses archives, et l'histoire de cette famille nous montre des princesses inconsolables de la mort de leur époux. En terminant le charmant in-16 de l'écrivain bugiste, nous nous sommes rap- pelé ces paroles de M. Paul Sauzet, dans son Eloge de Ravez : « Mieux vaut apprendre à nos enfants à honorer qu'à rabaisser nos annales. Insulter à de nobles débris, c'est souvent préparer des ruines nouvelles. » C'est notre avis-, aimer notre vieille his- toire, honorer nos pères et nos ancêtres, améliorer le présent par l'exemple du passé, mépriser les turpitudes de toutes les époques et de tous les rangs, même du nôtre, en jetant un manteau sur les indignités et les faiblesses, ce n'est pas être rétrograde, ce n'est pas faire acte de parti, c'est aimer franchement l'humanité. A. V.