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      POÉSIE, AMOUR ET MALICE



    Au déclin de sa vie, c'est toujours avec un vif plaisir qu'on
plonge sa mémoire dans les fraîches et pures illusions de la
jeunesse ; c'est dans cette première phase de l'existence que se
trouve comme l'écrin de nos plus brillants, de nos plus doux
souvenirs. Aussi j'aime à y fouiller sans cesse et à remonter
au loin dans les riantes avenues du passé.
    Après avoir fait mes études au collège et dans l'Académie
de Genève, je fus envoyé à Lyon pour y faire un apprentis-
sage de commerce, dans la maison de mon père et de mes
oncles, MM. Senn, dont les bureaux se trouvaient sur le beau
quai de Retz, n° 147.
    Mon goût pour la littérature et particulièrement pour la poésie
 s'était formé et développé dès mes premières années ; le collège
et l'académie l'avaient dirigé plutôt que contrarié ; en sorte
que je fus antipathique à tous les nouveaux genres de travaux
dont on voulut me charger; copier des lettres et laisser les
belles-lettres, calculer le prix des toiles et non les pieds d'un
vers, parler coton et non poésie, tout cela entravait l'essor que
j'avais pris, et chacune de ces prosaïques occupations était
 comme un cheval de frise qui me séparait de la carrière dans
 laquelle j'aurais désiré courir.
    Toutefois, formé de bonne heure à l'obéissance dans la mai-
son de mes parents, désireux de leur être agréable, je fis tous
 mes efforts pour me plier à leur volonté, et je me résignai aux
 exigences de ma nouvelle position.
    Me voilà donc chiffrant, copiant les missives de mes patrons,