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304 BIBLIOGRAPHIE. comme M. de Jussieu, commis sciemment des erreurs, notamment en racontant la lutte titanique entre les anges rebelles et le Dieu tout-puissant. Je dis titanique, car il a copié les traditions my- thologiques sur cette lutte terrible, quand il n'aurait dû avoir d'autre guide que les quelques révélations de l'Apocalypse. On pardonne à Milton ses erreurs, volontaires, je le répèle, pourquoi n'excuserait-on pas aussi celles de son continuateur, qui n'ont pas été moins volontaires, pourvu que celui-ci les rachète, ainsi qu'il l'a fait, par une imagination fraîche et variée, par une richesse de poésie qui obéisse à ses inventions et consacre, en quelque sorte, les fictions auxquelles il s'est livré. Les paroles sévères, terribles de la Genèse n'auraient pu inspirer que des tableaux plus sévères encore et bien moins poétiques, disons-le franchement, et M. de Jussieu, puisant d'ailleurs dans son cœur des sentiments de miséricorde que le créateur ne devait plus avoir après la chute d'Adam et d'Eve, s'est facilement porté à dépeindre la terre telle qu'elle est devenue à la suite du travail des hommes et des siècles. Mais poursuivons nos citations : Le t e m p s a fait un pas, la magnifique aurore Reparaît à son tour. Eve repose encore. A l'exilé qui dort n'ôtons pas son sommeil, Adam est venu seul saluer le soleil. Comme une nappe d'or l'astre étend son mirage De l'horizon aux flots et des flots au rivage ; Il réveille le monde ! I m m e n s i t é des cieux, Pourrez-vous contenir tous ces torrents de feux ? Le père des h u m a i n s , pensif et solitaire, S'est assis sur un tertre et contemple la terre ; P u i s son regard s'enfonce en un vague lointain Où, du seuil de la nuit aux portes du matin, V a i n e m e n t sa pensée interrogeant l'espace, Sonde les profondeurs que l'horizon embrasse : Il ne voit que la m e r , cette m e r qui t o u j o u r s ' P o u s s e en avant ses flots comme le temps ses j o u r s .