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                     BABIL CALLIGRAPHIQUE.                      207
posée, n'annoncent-elles point de suite l'écrivain visant sans
cesse à de grandes images et à de grands effets ? N'y a-t-il pas
dans ces majuscules continues une réverbération fidèle du
talent et du génie qui les traça? Cette écriture quasi hiérogli-
phique serait en place sur l'aiguille de Clèopàtre, la colonne de
Pompée ou l'obélisque de Luxor; elle me semble tout à fait en
harmonie avec ces gigantesques pyramides qui ont traversé les
siècles en les dominant.
   M. de Lamartine porte, de même, au bout de sa plume le cachet
de sa supériorité intellectuelle ; il y a dans son écriture fou-
gueuse, dans ces substantifs à peine terminés, dans ces verbes
inachevés, quelque chose de dédaigneux, caractère particulier
au seigneur de haut lignage qui demande qu'on le comprenne et
lui obéisse à demi-mot; ils laissent percer avec une grande no-
blesse d'âme quelques prétentions à la noblesse du rang et des
titres littéraires; sa pensée fait couler et courir sa phrase dans
des caractères à peine ébauchés sous lesquels on reconnaît une
plume originairement belle, emportée par la rapidité de ses ins-
pirations; il semble proportionner le temps qu'il emploie à écrire
à la considération qu'il a pour ceux à qui il s'adresse ; et
comme il ne croit qu'à la féodalité du génie, il n'écrit guère
aussi qu'à des vassaux; mais quand il était secrétaire d'ambas-
sade, à Florence, organe des idées d'autrui, M. de Lamartine
devait avoir ce qu'on appelle une superbe main.
   De 4829, époque où je reçus la première lettre de M. Vic-
tor Hugo, jusqu'en 1841, où je fus honoré de sa dernière, son
écriture a subi des modifications considérables; en 1829, il écri-
vait sur du papier grand format ; sa plume était belle, mais déjà
tres-cursive ; ses jambages annonçaient l'innovation, la queue
de ses g était flamboyante et dramatique, ses caractères très-
fermes, très-arrètes ; il visait autant alors à secouer les règles
de la calligraphie que les trois unités d'Aristote; car il formait
des liaisons excentriques tout à fait bizarres, ses cédilles surtout
étaient romantiques au dernier point et lancées dans l'espace en
manière de paraphes de la plus tournoyante hardiesse ; toutefois il
mettait 140 mots par page, et comme on le voit, il en faisait bonne