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CONCOURS DE POÉSIE. 197 Cette fin tourne un peu court, et si l'exemple de l'auteur nous enhardissait a user d'expressions familières, nous dirions en souriant qu'elle envoie trop tout le monde se coucher. Par les extraits que nous venons de donner, nous nous sommes attaché a reproduire la marche et le mou- vement général de l'ode ; ajoutons que nous avons fait nos extraits dans le sens le plus avantageux, en laissant de côté nombre de strophes faibles, décousues, bizarres, repréhen- sibles sous le double rapport de l'expression et du goût. Nous avons notamment retranché une strophe où, au qui vive d'un invalide, placé en factionnaire, l'Empereur répond : « C'est moi, mon vieux grognard. » Nous n'accordons pas que le lyrisme, pour qui c'est une loi de maintenir l'élévation du style, puisse, comme l'auteur se l'est permis, ramasser ses effets dans les bas-fonds du langage de la tradition populaire. Notre soin a donc été de recueillir l'essence de poésie la moins contestable qu'il y eût dans le morceau envoyé au concours. On aura pu voir dans cette sorte de réduction que nous en avons tentée, les défauts qui le déparent et les qualités qui y sont cependant retenues. Ce n'est pas précisément la fiction sur laquelle l'ode est construite que nous accuserions: on doit, ce nous semble, accorder aux poètes ample liberté sous ce rapport; qu'ils montent comme ils voudront leur machine poétique, pourvu qu'ils en soient de bons ingénieurs. A tout prendre, le moyen auquel l'auteur de notre ode a recouru vaut celui de Boileau qui, dans la célèbre épitre a Louis XIV sur le pas- sage du Rhin, trouve bon de dépouiller le vieux fleuve de sa barbe limoneuse et de le métamorphoser en un guerrier qui va se promener sur le rivage. Nous ne voyons pas pour- quoi une ombre qui pourrait certainement gagner des ba- tailles, ne pourrait pas, évoquée a propos dans une ode, faire gagner un prix de poésie. L'essentiel est moins ici