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36 DU SURNATUREL tions les plus curieuses et les plus caractéristiques de notre pente mystique toujours unie a un fond de dispositions re- ligieuses. Alors florissait parmi nous le martinisme qui ga- gna beaucoup d'hommes distingués par la position et le ta- lent. Singulière figure que celle de ce philosophe inconnu, René de St-Martin, qui écrivit ici son livre des Erreurs et de la Vérité. Que je voudrais, en la faisant poser devant vous, trouver une occasion de peindre le théosophe moderne qui cherche a sublimer le christianisme et la philosophie. Que j'aimerais a vous montrer ce composé bizarre de gnose, de kabbale, de christianisme allégorique, de philosophie des nombres, de spiritualisme raffiné et de poétique intuition. Que je me complairais surtout a vous faire voir que, comme Proclus qui a fini par des hymnes, St-Martin a donné a sa nuageuse doctrine son expression dernière dans le livre de l'Homme de désir, long cantique où chantent toutes les puissances de l'âme semblables aux jeunes Lévites qui allaient dans la montagne à l'odorante moisson du baume de Galaad. Ce fut un remarquable écrivain , sans contredit; sa trace fort reconnaissable est restée parmi nous ; M. Henri Martin voit en lui « l'une des âmes les plus religieuses et les « plus pures qui aient paru sur la terre (1), » et le même historien fait dériver de ce penseur original l'idée théocra- tique qui, après 1830, éclata dans la secte Saint-Simonienne. Ensuite ce fut notre Ballanche, novateur encore plus brillant, imagination de poète unie à un esprit de philosophe par un nœud mystique, le premier qui, en France, ait donné une coulour symbolique à l'histoire et nous ait présenté la suite des annales des nations comme une vaste et mélancolique épopée où le dogme de la déchéance et de la réhabilitation (1) H. Martin, Hist. de France, t. xvi, p. 529.