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ET DU MYSTICISME. 31 purs et aux saints. A ce sujet, dans ses beaux traités philo- sophiques, l'abbé Gratry revient sans cesse sur sa théorie de prédilection, celle qui lui a mis, à ce que je croirais, la plume à la main, que notre raison comprend deux degrés de l'in- telligible divin, et qu'au second degré nous pouvons obtenir la vision de Dieu, vision essenlielle, vision face a face où l'union avec Dieu se consomme ÎPïsio essentialis, vel de facie ad faciep'î). Le savant oratorien s'appuie sur les impo- santes autorités de saint Augustin et de saint Thomas et croit même pouvoir tourner a son sentiment Platon et Aristote ; mais il est forcé de convenir que Malebranche pense autre- ment, et derrière ce grand nom de Malebranche ou du Platon chrétien pourraient se réfugier, sûrs de leur excuse, les dissentiments de la philosophie. Cette haute et intimidante question appartient trop à la théologie pour que je ne sente pas la convenance de la lui abandonner, par un respectueux silence, tout entière. En simple historien, je ferai seulement observer que, plus d'une fois , la sagesse de l'Église a eu a censurer des exagérations a ce sujet. Bossuet qui s'élevait, dans son Instruction sur les étals d'oraison , contre les Molinistes et autres, soutenant la possibilité de s'unira Dieu par la substance de filme, disait de cette prétention : « Chose « reconnue impossible par toute la théologie, qui convient « que l'on ne peut s'unir a Dieu que par la connaissance et « par l'amour, par conséquent par les facultés intellectuelles ; « et il est constant que les vrais mystiques dans le fond « n'entendent pas autre chose, encore que leur expression « porte plus loin (1). » Entre la théologie de Bossuet, qui (1) Bossuet, Instr. sur les états d'oraison, § 8. Bossuet, qui a condamné le myslicisme de Mme Guyon, a rendu hom- mage à la pureté du mysticisme de sainte Thérèse. « Ii faut l'avouer cependant, dit M. Villemain dans une belle page que « nous ne nous refusons pas le plaisir de citer, la différence saisie par un