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498                    LE PÈRE DE LA CHAIZE.
 ménager dans la place, tous les renseignements les plus secrets.
 Au bout de sept mois, il fut en état de fournir, auP. de La Chaize,
 un mémoire circonstancié, que celui-ci remit au Roi. Le premier
 soin de Louis XIV fut de mettre ce document sous les yeux du
 chancelier de Pontehartrain, et de lui donner l'ordre de le com-
 muniquer au gouverneur de la Bastille, afin de pouvoir, d'après
 son rapport, prendre les mesures qu'il jugerait convenables. Au
 ton set et blessé de la dépêche du chancelier (I), on devine
 quelle dut être sa mauvaise humeur en recevant cette commu-
 nication du Roi, mais il fallut, bon gré mal gré, qu'il s'exécutât.
    Ainsi qu'il est facile de le deviner, le gouverneur se garda bien
 de reconnaître la justesse des observations consignées dans le
 mémoire du Jésuite ; sa réponse, comme celle de tout fonction-
 naire pris en défaut, fut que tout était pour le mieux dans la
 Bastille. Il assure, disait Pontehartrain, « qu'à toutes les bonnes
festes on fait confesser et communier les prisonniers qui le sou-
haitent; que, dans les maladies, on est attentif jour et nuit, à les
soigner pour le spirituel et temporel ; qu'à l'égard des exhorta-
tions, il ne s'y en fait point, n'estant point d'usage qu'on en fasse
à la Bastille, où il n'y a que des prisonniers d'Estat, qui ne doi-
vent point avoir de communication ensemble ni au dehors; que,
pour le chapelain, il est homme capable et seur, faisant très-bien
son devoir, et ne se meslant d'aucune chose que du spirituel, etc. ;
qu'aucun prisonnier ne demande à se confesser qu'on ne lui pro-
pose en mesme temps de luy faire venir ou le chapelain ou un
autre confesseur, et que, jusqu'à présent, aucun n'a témoigné de
la répugnance pour luy ; qu'il n'est point vray qu'on ait jamais
refusé au Jésuite, à présent nommé, ni à son prédécesseur, de
confesser un prisonnier, et enfin il demande, puisqu'on a refusé
l'entrée de la Bastille au religieux de vostre Compagnie qui a
fait ce mémoire, comment il se peut faire qu'en sept mois de
temps, n'estant point entré dans le chasteau, il ait pu estre si
parfaitement instruit de tout ce qu'il y a de plus secret, ainsi qu'il
paroît par son mémoire. »

  (1) Sa lettre au P. do La Chaize est du 17 mai 1703.