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286 DE LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE. de l'avenir, abordons de notre mieux, des faibles prises de notre imagination présente à ces époques promises où le perfectionnement des hommes aurait atteint une partie de son apogée, que devrions-nous supposer? que le bien-être serait porté a son comble, que les maladies n'assiégeraient presque plus notre chevet inviolé, que le mal n'aurait plus guère de raison de se faufiler dans la vie humaine, que les passions auraient disparu comme des hôtes trop longtemps perfides du cœur, que le libre arbitre rectifié et étendu toucherait à une sorte d'impeccabilité triomphante, que les hommes passeraient leur temps à ne faire que du bien et de belles choses, de beaux tableaux, de belles statues, de beaux jar- dins, de beaux discours, de beaux livres, de beaux meubles... Vous vous déprenez peut-être de l'hypothèse, avant que nous ayons fini de la tracer, et vous nous reprochez de prendre trop au sérieux des sornettes de contes des fées qui ne souffrent point la discussion. L'homme tel qu'il est, tel que Dieu l'a fait, créature faillible, qui pour dompter le mal aura toujours besoin de le connaître, l'homme avec sa chair en- venimée et ardentç, avec son bouillonnement intérieur, avec son ferment de bonnes et mauvaises pensées, avec son argile si vulnérable et son cœur plus fragile encore que l'ap- pareil délicat de ses sens, vous ne le reconnaîtriez plus dans cette humanité de commande, stoïquement élevée au-dessus de toutes les passions et décorée des merveilleux attributs de la santé et de la sainteté universelles. C'est évidemment la, c'est a l'impossible, c'est a abolir l'homme, avec la pré- tention de le perfectionner, qu'aboutit la doctrine de la per- fectibilité indéfinie. C'en est assez sur ces vaines théories que nos jours ont mises en possession d'un crédit si bruyant et si trompeur. Il ne faudrait pas qu'elles compromissent une idée vraie, pour laquelle nous faisons nos réserves et sur laquelle notre sen-