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94 VISITE A SANT* 0N0FRI0. d'une large touffe de verdure, la dernière demeure et l'im- mortelle tombe du Tasse. En allant prier a Saint-Pierre je m'arrêtais souvent au bord des eaux jaunâtres du Tibre, et ce n'était pas pour y rêver des fiers Romains de la république ou des fastueux Césars. Je songeais aux malheurs de l'ami d'Eléonore ; j'essayais de saisir, dans tous ces aspects sur lesquels ses regards avaient plané quelques jours, la trace de ses pensées résignées et mélancoliques. Un matin je montai pieusement la longue rampe qui con- duit au sommet du Janicule. Elle se trouve a l'entrée du Transtévère, presque au commencement de cette Via Lon- gara qu'embellissent le vaste palais Corsini, l'un des plus remarquables de Rome, et la Farnesine, délicieuse villa des roisde Naples,conservant entre ses bosquets d'orangers odori- férants les deux célèbres fresques de Raphaël, le triomphe de Galathée et l'histoire entière de Psyché. Vingt-cinq ans ne s'étaient pas écoulés depuis que la mort avait glacé la brillante palette entre les mains du divin Sanzio lorsque Torquato naissait à Sorrente. Le ciel, toujours prodigue pour l'Italie, après lui avoir donné Dante et Michel Ange lui réser- vait encore le Tasse et Raphaël, génies tendres et passionnés, arrivant à l'idéalisation et au sublime par la beauté, par la grâce, comme Alighieri et Ruonarotti par la force, par la grandeur, Raphaël ! Torquato ! morts le même siècle et tous deux a la veille du grand triomphe qu'on leur préparait au Capitole. Cependant, si j'ai baisé respectueusement au Panthéon la plaque funèbre de marbre gris qui recouvre les restes du peintre de la Transfiguration, des Vierges et des Stanze, je n'y ai pas éprouvé l'émotion prolonde qui m'attendait sur le tombeau du Tasse, je n'y ai pas pleuré! Raphaël n'a jamais été malheureux. La montée que je gravissais s'élevait le long du jardin de