Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
       L E T T R E S BADOISES
                           (suite et fin).




    De surprise en surprise, j'ai reçu une lettre de Pompery,
le métaphysicien du phalanstère, le doux et intelligent
utopiste. Pompery m'avertit qu'il a perdu les traces d'un ami,
bien cher à nous deux ; que, des Vosges il a couru jusques à
Paris, sans pouvoir le rejoindre; qu'il le suppose à Bade où il
lui avait donné rendez-vous. Je suis allé chaque jour attendre
l'arrivée des trains de Strasbourg, et je cherchais â recon-
naître mon vieux camarade, l'artiste le plus fantasque de
tous, sous quelque déguisement inouï: turban turc, pelisse
russe, bonnet de peau d'ours, ou autres mascarades, qu'il
revêt le plus sérieusement du monde. Enfin, hier, j'ai vu
descendre quelqu'un, qui portait sous le bras une petite boîte
grillée, où était un oiseau. L'homme se démenait extraordi-
naircment, se fâchait, et criait à tue tête après les porteurs de
bagage et les cochers de Drostche. L'idiome dont il se servait
était atroce, le peuple des cochers allemands, quoique un peu
 philologue, s'évertuait en vain à le comprendre, et, rouge de
fatigue, y perdait tous ses dialectes. Je partis d'un éclat de
rire, lorsque je reconnus, dans ce personnage, celui que je
cherchais, à savoir le célèbre Vivier, et, dans l'oiseau, son san-
sonnet favori. Nous nous jetâmes dans les bras l'un de l'autre,
 (je parle de Vivier) ; le sansonnet se contenta de battre des
 ailes.