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LETTRES BADOISES. 425 6 Septembre. En môme temps que la race des postillons, l'Allemagne a perdu celle desZwerge ou Nains, dontil est tant parlé dans les contes populaires. J'en avais lu de si curieuses histoires dans le Recueil des frères Grimm, que j'aurais élé fort désireux d'apercevoir au moins le nez camard de ces êtres étrangers. Dans ce but, j'ai visité les endroits isolés et battu avec soin la montagne et la plaine; mais je n'ai vu que quelques lièvres peureux qui s'enfuyaient devant moi comme des ombres chinoises. Les gens du pays m'ont assuré que mes recherches seraient vaines : les nains ont disparu. Ces petits hommes ne faisaient de mal à personne, si ce n'est aux méchants, pure affaire de justice, et rendaient mille services au pauvre monde ; balayant les chambres pour la servante malade; couvrant les pauvres, durant les nuits d'hiver, d'un chaud duvet de plumes de cygnes ; allant et venant, invisibles dans les demeures des hommes, mais tou- jours actifs et ne dérobant pas même les morceaux de sucre, comme le font la plupart des domestiques. Et qn'auraient-ils pu désirer d'ailleurs qu'ils ne possédassent en abondance ! De l'or? des pierreries? mais leur profession est, de temps immémorial, la garde et l'exploitation des (résors cachés dans les entrailles de la terre. Les mineurs le savent bien ; aux montagnes du Hartz ou de l'Erzgebirge ils ont entendu, plus d'une fois, retentir dans des profondeurs inconnues, le marteau des nains laborieux. Hélas! ces richesses ont été fatales à ceux-ci ; les gouvernements endettés de l'Allemagne, tracassiers à l'excès depuis la dernière révolution, se sont avisés de lâcher sur leurs traces leurs limiers , agents du fisc et de la police, pour vexer, pressurer et violenter ces petits êtres. On taxa leurs bonnes petites têtes rondes, d'un impôt plus lourd qu'elles; on entoura d'espions les rochers et les grottes, leur asile champêtre, comme si ces innocents se fussent mêlés de politique! Tant il est vrai de dire que la