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LE PÈRE DE LA CHAIZE. 497 Il fallait un certain courage pour prendre une attitude si ferme vis-à -vis d'un prélat dont le père avait été chancelier de France, et dont le frère fut si puissant jusqu'à la fin de sa vie. Mais quel que fût le rang et le crédit de ceux qui devenaient fauteurs d'un abus, d'une erreur ou d'une injustice, le P. de La Chaize n'hési- tait jamais à entrer en lutte avec eux. Aucune considération per- sonnelle , aucun sentiment de crainte ne pouvait tempérer son zèle infatigable pour assurer le triomphe de la vérité et du bon droit. Saint-Simon lui-même , en énuniérant avec une certaine complaisance les vertus et les qualités qui distinguaient entre tous l'illustre Jésuite, a bien soin de dire « qu'il para bien des coups en sa vie, qu'il supprima bien des friponneries et des avis anonymes contre beaucoup de gens, et qu'il en servit quan- tité. » Quel plus bel éloge dans la bouche d'un tel adversaire! Nous pourrions citer bien des traits dans la vie du Père, qui nous fourniraient d'irrécusables preuves de sa constante équité et de sa noble et courageuse indépendance. Nous nous conten- terons de signaler les deux suivants, dont un seul suffirait pour illustrer la vie d'un homme. Les registres secrets de l'administration, sous le règne de Louis XIV, renferment une lettre des plus curieuses adressée par le secrétaire d'Etat Pontchartrain au P. de La Chaize (1). Voici à quelle occasion elle fut écrite. Il était revenu aux oreilles du Père que de graves abus s'étaient introduits dans la Bastille. Désirant ardemment s'éclairer sur ce point et connaître ce qu'il pouvait y avoir de plus ou moins fondé dans ces bruits, il choisit un religieux de sa Compagnie, lui donna des instructions et l'ordre de pénétrer, sous un prétexte ou sous un autre, dans la forteresse, afin de constater quelle était, au spirituel et au tem- porel, la vraie situation des prisonniers. Le Jésuite échoua : l'entrée de la Bastille lui fut refusée ; mais il ne se découragea pas, et, à force d'habileté et de patience, il finit par se procurer, au moyen des intelligences qu'il avait su se ()) Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV. T. I I , p. 804. 32