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LETTRES BADOVSES. 433 quelques explications, nous sûmes que dans une rue haute habitait un maître cordonnier, oiseleur habile; nous y cou- rûmes. La rue était effectivemet perchée à mi-coteau ; on y respirait à pleins poumons les émanations des mélèses ; dans la chambre où nous entrâmes, c'était une forte odeur de poix, presqu'aussi saine, quoique moins agréable. Nous nous crûmes en plein Conservatoire : aux murailles, nombre de cages étaient suspendues; le directeur, professeur de chant et de déclamation, cordonnier et maître oiseleur, donnait en ce moment la leçon à un gros Gimpel (bouvreuil); il lui sifflait l'air connu « Fritz, veux-tu venir au cabaret? » Les élèves : pinsons, merles et étourneaux, s'agitaient dans la volière, avec toutes les marques du plus vif enthousiasme ; c'est que le cordonnier était lui-même un oiseleur enthousiaste ; ce petit homme trapu et de bonne humeur, avec ses yeux à fleur de tête, vifs et intelligents, sa chevelure rousse, frisée et d'une allure fièrement artistique, nous fit passer en revue le personnel de ses chœurs; nous fûmes, pour un instant, transformés en graves inspecteurs de l'instruction publique, en un haut jury musical. Avant d'acquérir, moyennant deux gulden, un sansonnet, qui pouvait passer pour le Ménechme du défunt, nous dûmes écouter, une heure ou deux, les sa- vantes théories pédagogiques de l'éleveur de merles. Feu Schlegel, dans sa chaire de littérature, à Berlin, ou le vivant M. Saint-Marc Girardin, dans ses leçons de la Sorbonne, ne se donnèrent jamais plus d'importance. En revenant, mon ami qui ne se possédait pas de joie et portait fièrement sa conquête sous le bras, dans une mé- chante cage d'osier, me fit passer sous les ombrages de la promenade. Nous rencontrâmes une brillante société: le comte de le prince de On rit beaucoup des excen- tricités du grand artiste, a Mais mon cher, d'où venez-vous, avec celte cage ? » demanda le comte de,... — « De la forêt » 28