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432                   LETTRES BADOISES.

où la douleur se résolvait en joie, l'accablement en triomphe,
ouvrirent, à grands battants, les portes d'azur del'espace.llme
sembla voir un arc-en-ciel éblouissant, s'élevant comme un
pont immense entre la terre elles cieux; dans ses clartés on-
doyantes je vis monter à l'infini le sansonnet transfiguré,
brillant et coloré comme un oiseau de paradis. « 11 vit, il
s'envole, il plane sur l'arc-en-ciel , » m'écriai-je, rien ne
meurt : un accord en engendre un autre ; nous aussi, nous
vivrons, et nous nous envolerons, et planerons sur les étoiles;
lesdissonnances ne sont que des résolutions, et dans les clartés
de l'absolu, vibre rimmorlalité de l'accord parfait ! »
    Sur quoi, Vivier prit son chapeau et sortit de la chambre
avec des gestes si tragiques, que dans la rue les Anglais les plus
flegmatiques se retournaient pour le regarder : « It isakumo-
rous man ». « Mon Dieu que veut cet homme ? » soupiraient,
de leur côté, les jolies ladys. o Un sansonnet, Madame, un
sansonnet ; parmi vos connaissances ne pourrait-on trouver
un sansonnet ? » telle était la question qu il adressait à chaque
honnête bourgeoise, prenant le frais sur le seuil de sa porte.
 « Ach! lieber Gott der Herr ist toll ». « Ah ! bon Dieu ! ce
Monsieur est fou !... » Au bout d'une heure, mon ami rentra
et se jeta sans rien dire sur le canapé ; je compris sa douleur,
 le sansonnet lui avait élé donné par sa vieille mère. Je ne
 cherchai pas à débiter des : consolationes ad Appolonium,
 mais je me disposais à explorer la ville à mon tour, lorsqu'un
jeune garçon vint à passer sous la fenêtre, en sifflant de ce
 gosier profond et sonore qu'ont les enfants allemands. Nous
 nous approchâmes de la fenêtre, par laquelle entraient les
 rayons d'un jaune vert, que le soleil avait filtrés dans les
 rameaux des arbres, sur la montagne en face. Vivier poussa
 un cri de joie ; « je parie que ce drôle sait où logent les
 sansonnets ! ». « Bube! » criai-je à l'enfant, « hast du nicht
 den Staar gesehen? » « n'as tu pas vu Télourneau. » Après