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                        LETTRES JSADOISES.                     431

conseiller de la cour ; vous comprenez, Monsieur, la nature
de ces conseils lorsque la cour est prise de douleurs d'en-
trailles. Admirez l'enchaînement qui règne dans ces sages ins-
titutions féodales ; remarquez comment, aux fonctions con-
sultatives du conseiller de la cour, se relient les fonctions tontes
pratiques de Monsieur l'apothicaire , car en Allemagne cer-
tains usages du temps de Molière sont encore en vigueur.
   12 Setembre.Ce matin, le sansonnet est mort; nous f avions
trop bourré de musique et de mouches ; son maître, en se réveil-
lant, jouait du violon, de l'alto ou du cor. tout exprès pour lui.
Il fallait voir l'oiseau s'agiter dans sa cage, secouer ses ailes,
comme les pans d'un manteau gris, accourir dans le rayon du
soleil, jusqu'aux pieds du grand artiste, là, rester dans l'extase,
frémissant, éperdu. Le moindre petit oiseau a plus de sentiment
musical que de bien gros et importants personnages. Le pau-
vre sansonnet n'a pas pu digérer son bonheur : il est mort de
délices, dans la main de son maître, après une agonie déses-
pérée, car il ne voulait pas s'en aller de ce monde qui l'avait
comblé de si belles mélodies et de mouches si grasses ; il se
débaltait des griffes et du bec, comme dans une lutte avec un
ennemi invisible , quelque hibou chargé d'accomplir le fatal
message. Tout d'un coup,.il étendit ses ailes, et laissa retom-
ber sa pauvre petite tête tourmentée, la mort venait d'ab-
sorber la dernière goutte de la brûlante essence de vitriol
qu'on appelle la vie ; maintenant le sansonnet reposait, tout
de son long, bien paisiblement dans la main de son maître
qui allait devenir le maître de cérémonies d'une pompe funè-
bre. Mon ami prit son cor et joua une marche qui pouvait
aussi bien s'adapter sulla morte d'un Eroe qu'à celle d'un san-
sonnet. 11 tira de son instrument des accents pathétiques, qui
me firent réfléchir, à propos de cet oiseau, au grand mystère.
Les nuages sombres qui cachent le redoutable passage op-
pressaient déjà mon âme, quand des modulations inattendues,