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                        LETTRES BAC01SES.                     421

     En vous parlant, Monsieur, de mes promenades, je ne vous
  dirai jamais assez combien celte solitaire nature est belle, et
  ces forêts imposantes. Les taillis et même les futaies qui
  ornent d'une sage verdure et d'un port raisonnable les ondu-
 lations tempérées des environs de Paris, sont, à la forêt alle-
 mande, ce qu'est le lion du bois de Boulogne, à l'étudiant
 de Heidelberg ou de Gœltingue, cet aurochs à la moustache
 hérissée, aux grandes bottes , à la pipe monumentale. Il y a ,
 sans doute, plus d'élégance dans l'un que dans l'autre : mais
 l'autre cache bien plus de poésie el de profondeur, sous sa
 chevelure rousse mal peignée. Venez avec moi, Monsieur,
je vous mènerai, comme le Diable mena Jésus, sur un lieu
 élevé ; sur la plate-forme de la plus haute tour de l'allen
 Schlosses. Si le temps est serein, vous avez devant vous,
 sous vous, quelque chose comme quarante cinq lieues de pays,
 vous verrez avec une bonne lunette depuis la flèche de Stras-
 bourg jusqu'au Dôme de Worms. Tout en suivant des yeux
 les contours de ce gigantesque serpent gris qui s'appelle le
Rhin, et que le Dieu du soleil darde, en Août, de ses flè-
ches les plus aiguës, vous pouvez vous reposer un instant, soit
à Rasladt, où, devant la caserne, paradent les jaquettes blan-
ches ; soit à Carlsruhe, la coquette, qui avec ses rues en
éventail et sa toilette symétrique, vous lassera bientôt, comme
toute belle dame trop fardée ; soit même dans la vieille ville
de Spire, tombeau des empereurs germaniques, avant que
l'armée du roi de France, très-chrétien, n'eût passé leurs
cendres impériales au crible. Le Dôme byzantin de Spire est
orné des belles fresques de l'école de Munich ; el Spire est elle-
même une petite ville bien paisible, qui regarde passer en
sommeillant les ondes paresseuses du père Rhin. Si j'élais
empereur je voudrais être enterré à Spire ; les jeunes filles
y sont fraîches comme des cerises, et tout-à-fail sentimen-
tales. Dernièrement, deux jeunes amies se sont jetées dans le