page suivante »
LETTRES BADÛISES. 417 la terre ! L'enfer et le ciel vont parler : le duo pathétique com- mence: d'abord c'est une voix qui pleure, prie et conjure; que de souffrances et d'angoisses dans ses accents, des ombres profondes d'où elle s'élève, qui luira? Sera-ce le ciel ou l'enfer? Ah! quel éclair sanglant et sinistre! Quels accents, surhumains, Samiel! Samiel! c'est ta voix cuivrée! arrière! feu qui brûles, serpent qui siffles et enlaces Toutes les passions rugissent et luttent comme des lions furieux. Mais l'ange triomphera du démon ! la voix suppliante l'emporte sur la voix colère, et tout se termine, comme dans Robert le Diable, quoique l'exposition soit complètemenl originale, au son de l'orgue et avec les chœurs des puissances célestes. Aujourd'hui, on nous a envoyé la feuille sur laquelle tout étranger nouvellement débarqué doit inscrire ses noms, ses qualités, sa demeure, sa suite. La feuille des étrangers est un ciel où il faut être au moins minisire d'un souverain régnant, prince russe ou tartare, pour se détacher avec dis- tinction. Au dessous de ces étoiles de première grandeur, les simples comtes allemands sont fondus et confondus comme dans une voie lactée, trouble et insignifiante. Quant aux simples mortels, el surtout aux Français, entachés de déma- gogisme, ils sont tout au plus réduits au rang obscur de nébu- leuses. La feuille qu'on présenta, était à son verso matinal, blanche et pure de tout nom illustre ou obscur, de tout men- songe vaniteux, car le mensonge est un des péchés dominants dans les endroits où la belle société se rassemble sous prétexte de prendre des bains, là : « Tout marquis veut avoir des pages; « Tout prince des ambassadeurs.» Mon ami prit la plume, et écrivit en grosses lettres, dans la première colonne, le nom, Vivier ; et dans la seconde, la suite : un sansonnet; ce qui, je gage, aura donné du fil à retordre à la police badoise. 27