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                           BIBLIOGRAPHIE.                        373
rents textes, celui qui devait flatter davantage l'orgueil ou la fan-
taisie de son maître, j'ajouterai encore que parmi les auditeurs du
troubadour, il se rencontrait quelquefois un descendant, un allié,
un ennemi même de la race du héros qu'il chantait, et qu'alors
la sagacité du poète lui inspirait quelques modifications devenues
nécessaires. Les altérations et les changements portaient sur des
parties intéressantes du récit, sur un dialogue, sur une question
d'étiquette , de généalogie sur un combat, quelquefois sur les
détails familiers, de vêtements, d'armes et de parures, dans les-
quels poètes et auditeurs semblent se complaire, et alors ces dé-
tails étaient répétés à satiété.
   Souvent un couplet, empreint d'une gaîté que nous trouvons
aujourd'hui grossière, succédait à un autre plus grave sur le
même sujet ; les exemples en sont fréquents. Le bon roi saint
Louis ne dédaignait pas lui-même, durant ses repas, d'entendre
quelques vers fortement assaisonnés : la joyeuse humeur de nos
ayeux était d'assez bonne composition sur ce chapitre.
   Les manuscrits que nous possédons des œuvres littéraires du
moyen âge ne sont pas toujours des originaux, il faut y voir le
plus souvent des copies plus ou moins complètes dans lesquelles
s'étalent un mélange évident de textes, des contradictions cho-
quantes, qui excluent l'unité de facture. S'il a été jusqu'à un cer-
tain point permis de contester à Homère la paternité de ses
œuvres immortelles, s'il est possible d'y découvrir des passages
indignes de ce grand génie, à plus forte raison pourrons-nous
dire que les poèmes héroïques du moyen âge sont pour partie les
fils bâtards, vulgo nati, d'une paternité multiple.
   Lorsque le Jongleur dit :
                  Ge sai d'Ogier, si sai d'Ainmoun
                  Et de Girart de Roxillon,
                  Et si sai du roi Loéis
                  Et de Beuvon de Commarchis,
                  De Faucon et de Renoart,
                  De Guiclin et de Girart.
  Il ne prétend pas avoir composé tous ces poèmes, il veut
seulement donner un aperçu de la variété de ses talents, et de la