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342                   LE PÈRE DE LA CHAIZE.
   Lorsqu'il eut cessé de parler, Boileau lui dit « combien il avoit
été surpris qu'on lui eût prêté des charités auprès de Sa Révé-
rence, et surtout qu'on lui eût donné à entendre qu'il avoit fait
un ouvrage contre les Jésuites ; que ce seroit une chose bien
étrange, si soutenir qu'on doit aimer Dieu s'appeloit écrire contre
les Jésuites. »
   Là-dessus l'auteur de s'échauffer : « Il avoit si peu songé à
écrire contre les Jésuites, que les premiers- à qui il avait lu son
ouvrage étaient six Jésuites des plus célèbres, qui lui avoient tous
dit qu'un chrétien ne pouvoit pas avoir d'autres sentiments sur
l'amour de Dieu que ceux qu'il énonçoit dans ses vers. L'arche-
vêque de Paris, l'évêque de Meaux avoient paru tous deux comme
transportés de son ouvrage ; mais que, si, malgré ces autorités,
Sa Révérence croyoit l'ouvrage périlleux , l'auteur venoit le lui
soumettre, afin qu'elle voulût bien l'instruire de ses fautes. »
   Boileau récitait ses vers à merveille, ou mieux, comme l'a dit
M. Sainte-Beuve, il les jouait. Il débita avec chaleur YEpître in-
criminée : à chaque tirade , le Révérend Père, de plus en plus
ravi, s'écriait : Pulchre! bene ! recte! cela est vrai, cela est indu-
bitable ; voilà qui est merveilleux ; il faut lire cela au roi ; répé-
tez-moi encore cet endroit. Est-ce là ce que M. Racine m'a lu? »
  Lorsque Boileau en vint à ces vers :
      Oui, dites-vous. Allez, vous l'aimez, croyez-moi ,
      Ecoutez la leçon que lui-même il vous donne :
      Qui m'aime c'est celui qui fait ce que j'ordonne. Etc.
   Le Père de la Chaize se les fit répéter trois fois , et lorsque le
poète eut terminé, le Révérend Père ne put contenir son admi-
ration. « En un mot, dit Despréaux, j'ai si bien échauffé le Père
de la Chaize, que sans une visite que dans ce temps-là, monsieur
son frère lui est venu rendre, il ne nous laissoit point partir que
je ne lui eusse récité aussi les deux autres nouvelles épîtres de

effectif désigne le simple accomplissement des commandements de Dieu, et
l'amour affectif le même accomplissement joint à une affection de Dieu.
                          (Noie de M. l'abbé de L., vicaire général).