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80 LE MONT-CASS1N. la déchire en mille lambeaux, qui se dispersent en escadrons floconneux, s'enroulent les uns au-dessus des autres, cei- gnent le flanc des montagnes voisines comme des écharpes de gaz et laissent parfaitement voir au-dessus et au-dessous de leurs zones ondoyantes les cimes ardues des monts et le riant aspect des plaines. Nous parvenons enfin à la porte du monastère. Munis de lettres de recommandation, nous visitons tout dans les plus grands détails. Enrichi par plusieurs princes , pillé par d'autres, ce monastère si célèbre , si riche au moyen-âge , a beaucoup perdu de son antique splendeur. Saint Benoît y avait établi son séjour de prédilection ; on montre encore sa cellule, d'où l'on jouit d'une vue magni- fique. Une succession sans fin de montagnes, de rochers disposés en gradins de toutes les nuances, de toutes les formes s'étend au-delà de l'horizon visuel. Dans les gorges et les vallées qui séparent ces géants accroupis, de sombres forêts , de riantes prairies, de rustiques habitations , des torrents qui se précipitent des hauteurs voisines en pana- ches écumeux, jettent sur cette scène un mouvement, une vie qui contrastent avec la sévérité des plateaux et des cimes. Je comprends la préférence de notre saint pour cette retraite. L'aspect d'une nature aussi riche que variée possède cet inappréciable avantage, que tout «n offrant continuellement a nos regards l'image du beau un et mul- tiple dans ses détails comme dans son ensemble, elle nous enseigne que ce monde n'est qu'un théâtre sur lequel, décors, acteurs et scènes changent en dépit bien souvent de la volonté humaine, et que Dieu seul, auteur de toutes créatures, doit être notre dernier mot. Saint Benoît, l'an 529, à la quarante-huitième année de son âge, la troisième du règne de l'empire de Justinien, sous le pontificat de Félix IV, sous le règne d'Athalaric,