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LE MONT-CASSIN. 79 On accède a notre demande. Ici la loi civile se confond avec la loi religieuse , grave question. De la cure nous passons à l'église. On chantait la grand'messe. Autour de l'autel un nombre assez considérable de femmes agenouillées se pres- saient comme des alcyons au moment du repos. Le cous- sinet garni de dentelles qu'elles portent sur leur tête rend l'illusion plus complète encore. Derrière elles et a distance, des hommes d'une stature assez haute, à l'œil noir, au teint basané, se tiennent de- bout dans une attitude respectueuse, fièrement drapés dans des manteaux languetés dans le bas comme des oriflammes , troués quelquefois en haut et toujours d'une couleur fauve, oeuvre implacable du Temps sur l'elbœuf noir. Nous arrivons enfin dans un village situé au pied du mont Cassin; là nous trouvons bonne table et bon gîte. A la pointe du jour réveillés par un bruit infernal, chacun de nous veut en connaître la cause et tous comme si nous nous étions donné le mot nous paraissons en bras de chemise, sous la galerie qui règne au premier étage tout autour de la cour intérieure. L'incomparable Callot eut été au comble de ses vœux. Sous nos regards grouillaient dans la boue la plus belle collection de faux boiteux, de faux aveugles, de faux manchots que j'aie jamais vu. Tous en chœur poussaient des cris et des gémissements lamentables. Au milieu d'eux, une trentaine d'ânes pelés et galeux, énervés sans doute par tous ces cris étranges, faisaient chorus et cherchaient à être les. maîtres dans l'art mélodieux d'Orphée. Enfin juchés chacun sur un aliboron, nous gravissons la montagne. A mesure que nous nous élevions nous nous enfoncions de plus en plus dans le sein opaque d'un épais brouillard qui interceptait horizon et lumière. Tout à coup, comme par un féerique enchantement, les rayons ardents du soleil transpersent cette immensité ténébreuse, le vent