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48 LE PÈRE DE LA CHAIZE. Madame de Maintenon ne laissait jamais échapper une occa- sion de parler en tête-à -tête des rigoureux devoirs qu'impose la majesté royale. Elle interrompait à propos des paroles un peu trop vives du roi, en l'entretenant de tout ce que la reine avait souffert pour lui et par lui ; elle faisait valoir toutes ses vertus cachées avec une pénétrante et douce éloquence. Louis, de plus en plus touché d'un désintéressement si noble, d'une telle gran- deur d'âme, quittait madame de Maintenon le cœur plein de son image ; il se rendait chez la reine et s'efforçait de déguiser auprès d'elle par des soins sans nombre et de délicates atten- tions, la froideur invincible qu'elle lui inspirait. Tout à coup, au moment où la cour y songeait le moins, le roi fut pris d'une vive et nouvelle passion. Madame de Montespan quitta brusquement Versailles , et mademoiselle de Fontanges régna à sa place. Elle ne tint que fort peu de temps le sceptre de la beauté. Sa faveur ne dura que l'espace d'un rêve. Elle tra- versa pendant quelques semaines, fière et dédaigneuse, la foule des courtisans étonnés, et s'éteignit comme un éclair. Pendant ce temps-là , madame de Montespan se livra à tous les transports de la jalousie : « J'étois présente à la scène qu'e'le fit au roi, écrit madame de Maintenon; Diane (1) en fut l'objet. J'admirai la patience du roi et l'emportement de cette glorieuse. Tout finit par ces mots terribles : « Je vous l'ai déjà dit, Madame, je ne veux pas être « gêné. » Madame de Montespan me demande mes conseils, je lui parle de Dieu, et elle me croit d'intelligence avec le roi ; elle s'emporte contre la pauvre fille, contre le Père de la Chaize, contre M. de Noailles. Elle passe des heures entières avec M. de Louvois et madame de Thianges. L'habitude lui a attaché le roi ; je crains qu'il n'y revienne par pitié. Il avoue qu'il l'aime encore et plus qu'il ne voudrait (2). » Et madame de Maintenon qui s'était fait le, prédicateur ôrdi- (1) Nom de convention donné à mademoiselle de Fontanges par madame de Maintenon. (2) Lettre à madame de Saint-Géran, 24 mai 1679.