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LE PÈRE DE LA CHA1ZE. 47 Madame de Sévigné constatait de son côté, vers la fin de 1676, la décroissance apparente de la passion du roi pour la marquise. Elle s'exprime à son égard en termes assaisonnés d'une malice et d'une naïveté délicieuses. L'année suivante, ce que madame de Maintenon avait seule redouté arriva. Madame de Montespan reprit toute sa faveur. Ce fut, comme nous venons de le dire, à l'époque du second retour du roi de l'expédition de Belgique. A peu près vers le même temps, le roi tomba dangereusement malade ; pendant sa convalescence, qui fut longue, il n'admit auprès de lui qu'un très-petit nombre de personnes : madame de Maintenon, madame de Montespan et la spirituelle madame de Thianges, sa sœur. « Tout est rassemblé, écrivait plaisamment à sa fille madame de Sévigné, Guelfes et Gibelins. » Racine et Boileau furent appelés plusieurs fois auprès du lit du royal malade pour lui faire des lectures de l'Histoire de son règne qu'ils avaient commencé d'écrire (i) et le Père de la Chaize, qui connaissait à merveille la numismatique, fut aussi invité à distraire le roi en lui faisant connaître les premiers éléments de cette science. Le confesseur et son auguste péni- tent passaient ainsi des heures entières à examiner des mé- dailles ; le roi prit même pour cette étude un goût singulier qui ne se démentit jamais et qui resserra de plus en plus, par de fréquents entretiens, la sincère affection de Louis XIV pour son confesseur. Le Père mit à profit ces instants précieux ; entre l'explication de deux médailles il sut plus d'une fois faire en- tendre au maître de graves enseignements. Pendant cette même convalescence, madame de Maintenon, par la douceur et l'uniformité de son caractère, par ses soins délicats et affables, et par sa conversation qui n'avait pas d'égale, ne fai- sait pas moins de progrès dans l'estime et l'affection de son souverain. Il éprouvait pour elle un sentiment tendre, mêlé de vénération ; aussi leur liaison, quoique pleine d'intime confiance et d'abandon même, n'offrit-elle jamais de prise à ceux qui purent en être témoins. (1) Le manuscrit fut anéanti dans un incendie.