page suivante »
345 de ce que notre grand lyrique s'était moqué d'une très mauvaise ode de Gacon sur la bataille de Marsaille, gagnée, en 1693, par le fameux Câlinât. Cette ode avait concouru pour le prix de l'acadé- mie d'Angers , et la couronne avait été décernée à un poète assez obscur, nommé Bardou. Gacon se vengea de sa disgrâce par un sonnet en bouts rimes contre l'Académie angevin«, et Rousseau fit contre Gacon cette jolie épigramme : O Catinat, quelle voix enrhumée , De te chanter ose usurper l'emploi? Mieux te vaudrait perdre ta renommée Que los cueillir de si cliétif aloi. Honni seras, ainsi que je prévois, Par cet écrit, et ne sais, à vrai dire -, Remède aucun, sinon que, contre toi, Le même auteur écrive une satire. Gacon , furieux , répondit par une épigramme , où il reprochait à Rousseau d'être le fils d'un cordonnier , reproche fort sot de la part d'un homme qui sortait lui-même d'une classe de plébéiens bien moins prisée alors qu'aujourd'hui. L'année suivante , Rous- seau fit jouer au Théâtre-Français sa petite comédie du Café, contre laquelle Gacon lança les vers suivans : Le café, d'un commun accord, Reçoit enfin son passeport. Avez-vous trop mangé la veille , Ou trop pris du jus de la treille, Au matin prenez-le un peu fort ; Il chasse tout mauvais rapport, De l'esprit il meut le ressort ; En un mot on sait qu'il réveille ; Il ressusciterait un mort, Et sur son sujet, sans effort, Rousseau pouvait charmer l'oreille : Au Heu qu'à sa pièce on sommeille , Et que chez lui seul il endort. Deux ans a p r è s , en 1696 , Rousseau fit jouer sa comédie du Flatteur, pièce qui fut assez bien reçue du public , et qui lui valut les suffrages de Boileau. Gacon , irrité de ce succès, fit encore contre l'ouvrage cette épigramme •