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                                  SCO
   Dans ctflte grande affaire, Saurai a publié son m é m o i r e , et
Rousseau a pareillement publié le sien. Ces deux pièces sont
d'autant plus curieuses, que la manière de procéder de chacun
donne la mesure exacte du caractère de l'un et de l'autre.
   « Je diviserai ce m é m o i r e , dit Saurin, en deux parties. Dans
« la première, je me propose défaire d'abord l'histoire des cou-
« plets anciens et nouveaux, et de la conduire jusqu'au jour de
« mon emprisonnement. Cette histoire sera suivie du portrait de
< l'esprit et du cœur, du sieur Rousseau, appuyé sur des faits : à ce
 t
« portrait, je joindrai le mien tiré de m ê m e de .faits constants.
•-< De l'histoire môme des couplets et de l'opposition de nos ca-
« r a c t è r e s , je tirerai une démonstration de mon innocence,
« peut-être aussi forte qu'une démonstration géométrique, et
< qui fera retomber l'accusation sur l'accusateur luimême. »
 c
   Cette courte citation est plus que suffisante pour donner une
juste idée du système de défense suivi par Sauria. On voit qu'il
va disposer, arranger j, présenter les faits comme il lui sem-
blera bon ; on voit qu'il va passer en revue tous les actes de la
vie de Rousseau, qu'il les jugera lui-même, qu'il les peindra des
couleurs les plus propres à jeter de l'odieux sur sou adversaire,
et qu'il ne manquera pas d'appuyer sur la différence des p e n -
chans, des goûts, des occupations de l'un et de l'autre; on voit
enfin cjue lorsqu'il en sera venu aux actes de sa vie p r o p r e , il
apportera toute la prudence possible, il ne dira que ce que la
cause exigera rigoureusement qu'il dise, et le talent supérieur,
le grand art qu'il mettra dans le développement de ses raisons ,
dans leur enchaînement logique, conduiront le lecteur fasciné à
n'apercevoir dans Rousseau qu'un monstre abominable.
   En effet, Saurin, dans son artificieux m é m o i r e , rappelle tou-
tes les imputations vraies ou fausses adressées précédemment à
Rousseau; il lui reproche sa prétendue ingratitude envers son
p è r e , ses chimériques déloyautés envers ses amis , ses poésies
licencieuses, ses satires et ses épigrammes, ses démêlés avec
Franeine , avec l'abbé Pic , avec Lamotte et autres : passant en-
suite à ce qui le regarde personnellement, il se présente comme
un homme de paix et de réflexion , de mœurs graves et sévères,
entièrement absorbé par ses travaux sur la physique et sur la
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