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ciaux, nouvellement découverte à Die. Le lecteur qui, il est
vrai, ne devait rien perdre pour attendre, montait en sa chaire
historiée, la langue sur les lèvres et l'eau à la bouche. Il feuil-
leta un instant son livre comme pour retrouver la page où l'on
s'était arrêté; puis après avoir toussé et craché, il commença
quelque chapitre des décrétales ou des canons des conciles.
   Deux coups d'arquebuse tirèrent subitement les religieux de
leur douce occupation , et le lecteur roula sans vie sur les degrés
de la chaire. La salle fut envahie en un clin d'oeil, et le sacrifice
commença. Ils étaient là une dixaine de victimes, se tordant les
mains, levant les yeux au ciel, criant, pleurant, sans songer à
se sauver ; d'ailleurs comment faire !... Pendant que les assassins
les sabraient sans les tuer de suite, sans doute pour s'amuser
plus long-temps, le supérieur saisi d'une idée heureuse, ren-
versa d'un coup de pied les hauts candélabres qui éclairaient la
salle, et l'obscurité succéda à la clarté vacillante des lampes. Le
carré long que formait la lumière de la lune sur le parquet em-
brassa comme d'un cadre noir cet effroyable tableau de car-
nage , dont quelques figures ne remuaient déjà plus. Les soldats
ne pouvant assez tôt rejoindre l'issue du réfectoire, achèvent en
jurant ceux des religieux que leurs blessures empêchent de fuir ;
les autres moines , grâce aux nuages qui se répandent sur la
lune, gravissent avec peine le flanc escarpé de la montagne
Glandas, en abandonnant six de leurs frères aux poignards des
protestans.
   Le lendemain, après s'être partagé les dépouilles du cou-
vent, les pillards commencèrent à poursuivre les quatre reli-
gieux qui leur avaient échappé. Deux furent trouvés morts sous
 un hêtre, des suites de leurs blessures ; le troisième, atteint d'un
coup d'arquebuse, roula sans vie du haut de la pierre de l'obre,
et l'abbé qui avait eu le courage et les forces d'arriver jusqu'au
pied du mur à pic de Glandas, fut tué dans une petite grotte de
peu de profondeur. On ne trouva son corps que.trois ans après ,
lorsque les catholiques commencèrent à faire des recherches.
 Le poignard était resté dans la poitrine du vénérable bénédictin.