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39 un arbre avant qu'il ait poussé. N o n , . , laissez le génie se livrer à la fougue qui l'entraîne ; laissez-le délirer même , pourvu que ce délire enfante des beautés ; plus tard vous rejetterez ce qui choque ; le temps et le bon goût feront disparaître les t a c h e s , mais ne tuez pas le génie à sa naissance ! — Ils n'en ont point. —. Malheureux! ils n'en ont point!.. Et rappelez-vous donc Géricault, l'auteur du Naufrage de la Méduse; l'avez-vous criti- q u é ! Son tableau n'était pas de votre école... Et pourtant quelle énergie! quelle vérité! quelle expression dans ses figures ! que de poésie dans l'ensemble! Mais il avait négligé le dessin, ce froid dessin ;, toute votre science, et vous l'avez accablé! il a caché son ouvrage dans un coin obscur ; vous l'avez humilié, abreuvé d'amertume ; vous lui avez arraché ses pinceaux; ses camarades lui ont donné du pain , et quand il n'a plus eu la force de s u p - porter tant de dégoûts^ il est mort de rage, de misère et defaim... Oui, il est mort de faim, entendez-vous! Il avait le tort de de- vancer son époqiie... Dix ans plus tard ^ on a tiré de la poussière le tableau du malheureux ; on ne trouvait pas de place assez belle pour lui, et la foule est venue s'extasier devant ; elle est venue cette tourbe qui crie quand les meneurs crient, qui admire quand les meneurs admirent et qui laisse mourir de faim ceux à qui ils refusent du secours... bourreau qui exécute ceux que vous avez condamnés!... Et il s'enfuit, le jeune h o m m e , et il resta deux jours en proie à la plus vive douleur, plongé dans le plus profond accablement, maudissant Paris, la littérature, l'instruction qu'on lui a donnée, et le génie que dans ce moment de fièvre il sentait bouillonner dans sa tête. Le libraire lui réclame des articles ; il n'avait plus la force de pousser la porte d'un cabinet de rédaction ; cependant il avait un engagement à remplir ; il errait dans P a r i s , sans b u t , au hasard, accablé par une i d é e , une seule , mais poignante., son obscurité. Il marchait sans voir, et encore sourd-muet au milieu d'un grand bruit qui ne l'étonnait pas et de beautés sur lesquelles il ne trou- vait pas une expression. Cette vie-là , c'est la m o r t ! . . La mort, moins la terre qui doit vous couvrir... On est soi-même la croix qui vous indique.