Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                   158
     c Toutes ces idées d'amour et de poésie passaient dans ma
      <
«    tête malade avec le bruit d'un charivari. 0 un homme ! un
«    homme qui dans sa vie n'a pas aimé jusqu'à la rage trois ou
«    quatre femmes accortes et douces, est un monstre, une espèce
«    de brute, une espèce de butor !
     « Je rencontrai dans la diligence de Valence une jeune femme
«    avenante, vêtue de noir et jolie; je ne manquai pas d'interroger
«    avec adresse ma compagne de v o y a g e , et de demeurer l'œil
«    ouvert, la main arrondie. Je lui demandai combien de larmes
«    avaient coulé sur ses joues, quel était celui que la mort avait
<•   frappé sur sa couche nuptiale; je lui demandai si elle n'espérait
«    pas bientôt inféoder un nouveau cœur à son cœur, et incliner
«    bientôt sa tête sur le front d'un autre époux, comme l'églan-
«    tine née de l'Aurore, courbe su tête de parfum sur le calice qui
«    vient à elle ; elle répondit à mes questions avec une grande
«    précision de mots, et une pensée indécise. La conversation ne
«    pâtit guère ; elle était confiante et concertante.
   « J'avais depuis long-temps tiré de ma boîte à chapeau le
«  gant blanc de filet, j'en drapai ma m a i n , et m'empressai de
«  l'offrir à la belle veuve , qui l'accepta avec la confiance qu'ins-
«  pire un jeune homme qui ne brusque rien, qui parle avec pu-
«  reté , et qui porte un ruban à la boutonnière.
   Mais j'ai hâte de vous faire faire connaissance avec la Venus
d'Arles, la fille-modèle, et j'abandonne la dame accorte à la con-
versation concertante, pour vous mener à bord du paquebot à
vapeur, où M. Joseph Bard trouve enfin cette merveille. — L a i s -
sons-le parler. « Aurélia était b e l l e , vive, douce, caressante
« comme la brise qui passe sur les citronniers. C'étaient des formes
« romaines dans toute leur perfection, une figure idéale, des che-
< veux noirs comme le carbone, le nez de la Venvs mouillée, des
 t
a bras faits pour serrer un amant, une voix neuve ; son âme elle
« la sentait, mais elle l'exprimait peu ; quelquefois cette âme pal-
« pitait dans des sens impressionnables et mobiles par.contre-impul-
« sion ; le plus souvent, elle se concentrait en elle-même comme
« en un lointain infini. Comme elle avait été agitée par une vie
< de vingt ans , la vie de notre Aurélia! car il faut bien le dire !
 t
« la sensation, éclair ravide, avait quelquefois nrédominé chez