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robustes, mieux conformés qu'autrefois, ils doivent, en très-grande partie du
moins, qu'ils ne l'oublient jamais, au métier à la Jacquard celte grande amélio-
ration dans leur laborieuse destinée.
    Mais ce n'est pas impunément qu'on opère le bonheur des hommes. Jacquard
éprouva des tracasseries, des vexations, il fut abreuvé d'amertume : sa vie fut
plusieurs fois menacée. La Providence, qui lui avait donné une haute mission ,.
l'avait doué d'un caractère ferme, d'une persévérance à toute épreuve. Il lutta
péniblement, pendant de longues années, contre l'intérêt individuel et l'envie ,
plus inexorable encore, contre la frivolité maligne, l'incrédulité simulée : il eût
succombé, sans doute, si l'œil-d'aigle de Napoléon ne se fût arrêté sur lui. Dès lors
les clameurs se taisent, les obstacles s'aplanissent, et l'Industrie adopte avec
éclat le MÉTIER-JACQUARD. Les premiers qui s'en saisissent arrivent facilement à l'o-
pulence. « Ils sont devenusriches, disait un jour Jacquard, et je suis resté clans ma
très-modique fortune. Je ne m'en plains pas; il me suffit d'avoir été utile à mes
concitoyens, et d'avoir mérité quelque part dans leur estime. »
    « Votre ville, lui disait un étranger de haute distinction, n'a pas été à votre
égard d'une grande munificence — Oh! c'est bien assez,, répondit-il, je n'en
ai pas tant demandé, et je n'eu voudrais pas davantage. »
   L'ont-ils entendu ces hommes insatiables dont aucun honneur, aucun trésor ne
peuvent jamais récompenser suffisamment les plus minces services? Encore si c'é-
taient toujours des services réels , c'est-à-dire, des bienfaits envers l'humanité.
   La richesse n'était rien aux yeux de Jacquard , et la gloire peu de choses. Le per-
fectionnement de l'industrie, la prospérité de la patrie, l'amélioration des des-
tinées humaines, voilà l'idée dominante qui a rempli la vie de ce sage, de cet
homme supérieur , de cet humble chrétien.
   La religion, dont il avait toujours suivi les préceptes et pratiqué la morale , est
venue s'asseoir auprès de son chevet; elle a calmé ses cruelles souffrances, elle
lui a, de sa main divine, fermé doucement les yeux..
   Adieu, Jacquard! l'immortalité, qui vient de commencer pour toi, n'est pas
cette immortalité périssable qui vit dans la mémoire des hommes; cependant,
nous qui te survivons, et qui t'avons connu, admiré, tant aimé, il est de nolra
 devoir de recueillir avec respect tes titres à cette immortalité terrestre, non pour
toi, mais pour nous; car ta gloire si méritée, c'est notre héritage, c'est notre
patrimoine, c'est le patrimoine et l'héritage des associations que tu honorais, et
dont l'une parle en ce moment par mon faible organe. C'est le bien de la ville
qui te donna le jour ; c'est celui de la France qui té placera parmi ses grands
hommes : car, long-temps après que se seront évanouies une foule de célébrités
scientifiques, littéraires, et surtout politiques, la tienne subsistera parmi les
peuples travailleurs , toujours plus pure et plus vénérée.
I Adieu, homme bon , sage et religieux , tout autant qu'esprit supérieur, indus-
triel éminent, et mécanicien de génie !
                                                    Adieu, JaçjjuarçU.