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60 robustes, mieux conformés qu'autrefois, ils doivent, en très-grande partie du moins, qu'ils ne l'oublient jamais, au métier à la Jacquard celte grande amélio- ration dans leur laborieuse destinée. Mais ce n'est pas impunément qu'on opère le bonheur des hommes. Jacquard éprouva des tracasseries, des vexations, il fut abreuvé d'amertume : sa vie fut plusieurs fois menacée. La Providence, qui lui avait donné une haute mission ,. l'avait doué d'un caractère ferme, d'une persévérance à toute épreuve. Il lutta péniblement, pendant de longues années, contre l'intérêt individuel et l'envie , plus inexorable encore, contre la frivolité maligne, l'incrédulité simulée : il eût succombé, sans doute, si l'œil-d'aigle de Napoléon ne se fût arrêté sur lui. Dès lors les clameurs se taisent, les obstacles s'aplanissent, et l'Industrie adopte avec éclat le MÉTIER-JACQUARD. Les premiers qui s'en saisissent arrivent facilement à l'o- pulence. « Ils sont devenusriches, disait un jour Jacquard, et je suis resté clans ma très-modique fortune. Je ne m'en plains pas; il me suffit d'avoir été utile à mes concitoyens, et d'avoir mérité quelque part dans leur estime. » « Votre ville, lui disait un étranger de haute distinction, n'a pas été à votre égard d'une grande munificence — Oh! c'est bien assez,, répondit-il, je n'en ai pas tant demandé, et je n'eu voudrais pas davantage. » L'ont-ils entendu ces hommes insatiables dont aucun honneur, aucun trésor ne peuvent jamais récompenser suffisamment les plus minces services? Encore si c'é- taient toujours des services réels , c'est-à -dire, des bienfaits envers l'humanité. La richesse n'était rien aux yeux de Jacquard , et la gloire peu de choses. Le per- fectionnement de l'industrie, la prospérité de la patrie, l'amélioration des des- tinées humaines, voilà l'idée dominante qui a rempli la vie de ce sage, de cet homme supérieur , de cet humble chrétien. La religion, dont il avait toujours suivi les préceptes et pratiqué la morale , est venue s'asseoir auprès de son chevet; elle a calmé ses cruelles souffrances, elle lui a, de sa main divine, fermé doucement les yeux.. Adieu, Jacquard! l'immortalité, qui vient de commencer pour toi, n'est pas cette immortalité périssable qui vit dans la mémoire des hommes; cependant, nous qui te survivons, et qui t'avons connu, admiré, tant aimé, il est de nolra devoir de recueillir avec respect tes titres à cette immortalité terrestre, non pour toi, mais pour nous; car ta gloire si méritée, c'est notre héritage, c'est notre patrimoine, c'est le patrimoine et l'héritage des associations que tu honorais, et dont l'une parle en ce moment par mon faible organe. C'est le bien de la ville qui te donna le jour ; c'est celui de la France qui té placera parmi ses grands hommes : car, long-temps après que se seront évanouies une foule de célébrités scientifiques, littéraires, et surtout politiques, la tienne subsistera parmi les peuples travailleurs , toujours plus pure et plus vénérée. I Adieu, homme bon , sage et religieux , tout autant qu'esprit supérieur, indus- triel éminent, et mécanicien de génie ! Adieu, JaçjjuarçU.