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346 Cher Rousseau, ta perte est certaine , Tes pièces désormais vont toutes échouer : En jouant le Flatteur, tu t'attires la haine Du seul qui te pouvait louer. Gacon avait d'intimes liaisons avec un peintre médiocre , nom- mé Poerson , et ils étaient remplis d'admiration l'un pour l'autre. Afin de se venger de Gacon et de ses continuelles attaques, Rous- seau fit encore l'épigramme que voici : Gacon, rimailleur subalterne , Vante Poerson le barbouilleur, Et Poerson , peintre de taverne , Vante Gacon le rimailleur. Or, en ce cas, certain railleur A dit qu'ils sont tous deux fort sages ; Car , sans Gacon et ses ouvrages, Qui jamais eût vanté Poerson , E t , sans Poerson et ses suffrages, Qui jamais eût vanté Gacon? Cette petite guerre , continuée de part et d'autre avec le plus triste acharnement, aboutît enfin aux infamies contenues dans l'Anti-Rousseau, libelle atroce inspiré à Gacon, non point par la pas- sion de l'argent, comme quelques-uns ont eu l'air de le croire, mais par la rage la plus violente, et dans la seule etbrutale vue de satis- faire ses sentimens de haine et de vengeance. Il n'est pas dou- teux que les pièces dont se compose ce libelle horrible, dans lesquelles Gacon s'adressait tantôt au r o i , tantôt à M. de Pont- chartrain, chancelier de France, tantôt à Daguesseau , procureur- général , tantôt à R o b e r t , procureur du roi au Châtelet, où il ne cessait, soit en vers , soit en prose , d'attaquer Rousseau sous le double rapport de la religion et des mœurs , n'aient très-puissam- ment contribué à la perte de l'adversaire de Saurin, et n'aient en- traîné la condamnation d'un homme de t a l e n t , dont la culpabi- lité n'a jamais été victorieusement démontrée. L'Anti-Rousseau , imprimé à Rotterdam en 1712 , est un in-12 de 534 pages , dans lequel on compte au moins cent quarante rondeaux, ballades ou épigrammes dirigées contre le Pindare