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      Le soir même, le commissaire spécial envoyait la nouvelle note que voici : « J'ai
l'honneur de vous informer que je viens d'apprendre que les délégués de l'Interna-
tionale de diverses villes sont attendus aujourd'hui. Bastilica, de Marseille, et le délé-
gué des tapissiers de cette ville doivent arriver ce matin. Aubry, délégué de Rouen,
arrive aussi ce matin. Varlin, délégué de Paris, est attendu ce soir. Albert Richard,
Palix et Barret doivent les recevoir » i.
      Le préfet du Rhône, le 28 mars 1870, écrit au procureur général que des « mouve-
ments ouvriers existent et prennent naissance chez les tailleurs d'habits ». On s'agitait
dans les milieux politiques et socialistes. On parlait beaucoup, ajoutait la lettre, « de
l'assassinat de Victor Noir par le prince Pierre Bonaparte ».
      Une agitation se manifestait chez les apprêteurs sur tulle. Le mouvement grévis-
te, d'ailleurs, s'accentuerait de jour en jour et il datait du milieu de 1869 2, Les mêmes
assistants sont signalés aux réunions de YInternationale des 13 mars, 24 mars et 30
mars 1870. La plus grande partie des séances était occupée par les discours et les
communications d'Albert Richard. Ce dernier se sentait plus spécialement visé que
ses camarades. A la réunion du 24 mars il se défendit avec une énergie voisine de la
violence contre les accusations portées contre lui, relativement au jugement du con-
grès de Londres.
      En avril 1870, le ministre de l'intérieur reçoit, à nouveau, du préfet, une lettre
dans laquelle M. Sencier résumait les diverses phases de la vie de l'association de
l'Internationale : « Les discussions, écrit-il, n'ont pas été exemptes d'orages. Les deux


      1. Sur cette réunion, James Guillaume s'exprime ainsi : « Varlin fut choisi pour représenter Paris dans
une grande assemblée à laquelle Marseille, Vienne (Isère), Aix, La Ciotat, Dijon et Rouen envoyèrent des
délégués. Adhémar, Schwitzguebel s'y rendirent comme représentants de plusieurs sections de la Suisse
française. L'assemblée réunit cinq mille personnes. Varlin fut élu président. Y prirent la parole, Albert
Richard, de Lyon, puis Bastelica et Pacini, de Marseille, etc. Il fut donné lecture d'une adresse des travail-
leurs belges aux délégués des travailleurs français rédigée par De Paepe. Dans cette adresse étaient traitées
ces deux questions : « Quelle doit être l'attitude de la classe prolétarienne vis-à-vis des mouvements
« politiques qui tendent à modifier la forme des gouvernements vis-à-vis des démocrates radicaux et des
« républicains bourgeois i ». « Quelle doit être l'attitude de la classe prolétarienne vis-à-vis du mouvement
« coopératifs" ». La réponse à ces questions était catégorique ; l'Etat politique n'a plus de raison d'être, le
mécanisme artificiel appelé gouvernement disparaît dans l'organisation économique, la politique se fond
dans le socialisme » ; quant à la coopération, « les socialistes ne considèrent pas l'extension et la généralisa-
« tion des sociétés coopératives comme devant réaliser l'affranchissement intégral du prolétariat ».
      3. Voici une rapide nomenclature des grèves à Lyon en 1869. 31 juin, ouvriers maçons, canoniers (ter-
minée par un accord intervenu rapidement) ; 33 juin, ouvriers mécaniciens, chaudronniers, fondeurs envoient
à leurs patrons une lettre demandant des modifications aux tarifs et leur annonçant la grève si pas satisfac-
tion ; 25 juin, grève des ouvriers coiffeurs ; 35 juin, ouvrières moulinières, que l'on nomme ovalistes. Elles
demandent une augmentation de salaire et une diminution d'heures de travail. Elles se réunirent en bandes
nombreuses, circulant dans les Broteaux ; 39 juin, grève des ouvriers boulangers.
     Au sujet des grèves de 1869 et de leur rapport avec le socialisme, Testut écrit : « Les socialistes lyonnais»
au lieu de se réunir dans de grandes assemblées bruyantes, avec tout l'apparat révolutionnaire usité ailleurs,
organisaient de petites réunions dans chaque corporation et le comité fédéral avec tous les représentants des
groupes et des sociétés se réunissaient tous les dimanches aux Broteaux, dans un cabaret très humble dont
les propriétaires avaient sur les derrières de leur établissement une grande salle obscure, très cachée, ressem-
blant à un magasin de débarras. La police n'eut jamais l'idée d'aller chercher là les ennemis de l'ordre social ».